Contre l’Etat, une urgence !

« Je suis un amant fanatique de la liberté, la considérant comme l’unique milieu au sein duquel puissent se développer et grandir l’intelligence, la dignité et le bonheur des hommes ; non de cette liberté toute formelle, octroyée, mesurée et réglementée par l’État, mensonge éternel et qui en réalité ne représente jamais rien que le privilège de quelques-uns fondé sur l’esclavage de tout le monde. » (Michel Bakounine)

Après les terribles attentats qui ont été commis par des fanatiques islamistes à Paris et Saint Denis le 13 Novembre 2015, l’Etat d’urgence a été décrété sur l’ensemble du territoire puis prolongé de 3 mois après un vote où seuls 6 parlementaires ont votés contre. Cet Etat « d’exception » permet alors entre autres de perquisitionner et d’assigné à résidence par la seule volonté du préfet. Evidemment, ces perquisitions et assignation à résidence ne se sont pas portées seulement sur des potentiels terroristes islamistes mais plus largement sur des musulman-e-s ou considéré-e-s comme tels (de manière plus ou moins arbitraire), et plus surprenant (pas tellement en fait !) sur des militant-e-s anarcho-syndicalistes et écologistes à l’approche de la grande arnaque qu’a été la COP21. Nous voyons alors bien là la logique intrinsèque et mécanique de l’Etat : profitant d’une menace, il agrandit sa capacité de répression sur l’ensemble de la population afin d’assoir son pouvoir. Ainsi de nombreuses manifestations sont interdites, empêchant un déroulement démocratique et légitime de la part des citoyens et endiguant les mouvements sociaux et écologistes sous prétexte de la sécurité publique, alors que pendant ce temps les marchés de noël et grandes surfaces commerciales restaient ouverts sans problème (et oui il ne faut pas empêcher la sacro-sainte croissance !).  Nous avons le droit d’être des consommateurs, mais pas d’exprimer d’avis politique dans la rue comme tout citoyen devrait pouvoir le faire dans une démocratie digne de ce nom.

Aujourd’hui, l’Etat (et non l’Etat ce n’est pas « nous » comme certains aimeraient le faire croire, mais un gouvernement centralisé qui a ses propres intérêts de classe, loin de ceux qu’ils sont censés représenter) va constitutionnaliser l’Etat d’urgence, tuant à petit feu ce qu’il nous restait de démocratie, et a déjà prolongé l’Etat d’urgence de 3 mois. Et pourtant la majorité des français-es, après l’émotion des attentats lâches fomentés pas des fanatiques religieux, ou par l’habitude servile de penser que le gouvernement nous protège (allez dire ça aux grévistes tués lors des luttes sociales au 19ème et début du 20ème siècle, ou encore aux personnes mutilées lors de manifestations), acceptent une prolongation de l’Etat d’urgence ne se rendant sans doute pas compte de ce que cela implique, et que cela est absolument inutile. En effet, sur plus de 3300 perquisitions, seulement une a conduit à une mise en examen pour terrorisme.  Ce n’est pas en déployant des flics et militaires partout qu’en empêchera un fanatique de se faire exploser ou de tirer sur la foule qui boit un café en pleine rue. L’acte individuel est pratiquement impossible à détecter et la lutte à mener n’est pas répressive mais idéologique.

FA 1

Ce sont nos libertés les plus fondamentales qui sont attaquées (droit de manifester, se rassembler, d’opinion), afin de faire taire toute contestation sociale dans la rue afin que l’Etat libéral (mais de « gauche »!) puisse mettre en place ses réformes dans cette période de crise économique. Toute personne remet en cause l’idée même d’Etat est alors criminaliser en « terroriste » puisque la nouvelle loi antiterroriste qui est passée l’été dernier permet la surveillance de  toute personne ne reconnaissant pas les institutions de la République. Cela inclut bien sur les terroristes islamistes (pourtant ils ont un Etat eux aussi, pas encore une République mais qui sait !) mais également les anarchistes. Grâce à des lois très larges, l’Etat se dote d’un pouvoir répressif exceptionnel. Ainsi, dans la loi sur la déchéance de nationalité, Valls veut la déchéance pour les « crimes et délits terroristes » qui porteraient atteinte à la « sécurité et la vie de la nation » et cela pour tous les français. Encore une fois c’est assez large : les zadistes porteraient ils atteintes à la sécurité de la nation puisque les ZAD seraient « des zones de non droit ». Les grévistes en bloquant une partie de l’économie du pays porteraient ils atteinte à la « vie de la nation » ? En tant qu’anarchiste, je ne me sens guère français (mais plutôt « indigène de l’Univers » comme disait Reclus), donc perdre ma nationalité ne m’affole pas trop. Cependant cela poserait problème pour continuer d’avoir les mêmes droits que les autres êtres humains qui vivent en France car il y a des droits qui sont rattachés à la nationalité (alors qu’ils devraient être universels sans se soucier de cette chose qui nous ait imposé à tous et que l’on appelle « nationalité »). Le fait que le FN voulait cette mesure dès 2012 (dans son programme pour les présidentielles) n’est pas anecdotique: en faisant cela, on remet la nationalité et donc la nation au premier plan pour la plupart de la population, et perdre sa nationalité serait comme ne plus exister (de plus avoir aucun droit, être une sorte de sous être humain), nous enfonçant toujours plus dans le nationalisme (maintenant le terme « patriotisme » est plus à la mode). Le PS a donc joué le jeu du FN, comme d’habitude, espérons que cela soit à cause de la course à l’électoralisme plutôt que par une approbation de ses idées, mais son hypocrisie à lutter contre le FN et ce qu’il incarne est de plus en plus criante (si certains doutaient encore depuis Mitterrand).

Afin de faire passer la pilule, Manuel Valls déclare que « la sécurité c’est la liberté », sans sourciller ni même être gêner par une telle absurdité.  Il faut dire qu’avec  ses connivences avec la bande à Bauer (expert en criminologie, proche de Manuel Valls depuis longtemps, tous deux issus de la gauche Rocardienne anti-communiste), le tout sécuritaire a de beaux jours devant lui !  Sans oublier que certains de ces « criminologues » sont carrément issus de groupuscules d’extrême droite. Bref la sécurité c’est aussi du business, en plus d’un contrôle de masse, que des avantages ! On voit donc un glissement vers la droite de quasiment tout le spectre politique, qui nous rappelle que même si le FN n’est pas au pouvoir, ses idées elles sont plus que jamais présentes dans la société française, ce qui constitue une victoire pour lui.

Ainsi avec l’Etat d’urgence, l’Etat se pose en tant que protecteurs des français-es, de leur sécurité et de leur liberté alors que la première est impossible à assurer dans un monde comme le nôtre actuellement et qu’il est en train de tuer la deuxième. Face aux attentats qui se mettent à toucher l’Occident, et la crise des réfugié-e-s que les guerres au Moyen Orient ont poussés à fuir, la plupart des populations européennes ont un repli nationaliste et identitaire, demandant un Etat fort de les protéger, voulant garder leur petite vie tranquille en regardant mourir des milliers d’innocents fuyant les bombes et les sanguinaires sévissant dans leurs pays. Ainsi la politique sécuritaire a pignon sur rue et si on n’a rien à se reprocher après tout, on peut bien perquisitionner des gens n’ayant rien fait. Cette vision à court terme est dramatique, car les gouvernements changent, et l’Histoire nous montre bien que la démocratie représentative apporte assez facilement le fascisme au pouvoir. Cependant, voyant comment gouverne le PS (qui n’a rien de socialiste rassurons-nous), le FN n’a même pas à arriver au pouvoir pour que ses idées triomphent, il a juste à être là, à distiller ses idées nauséabondes : les libéraux se chargent du reste.

FA 2

Nous nous dirigeons vers un Etat plus autoritaire, ce qui n’est pas étonnant dans cette période de crise économique et politique. La machine capitaliste bat de l’aile, il y a un besoin de détruire les acquis sociaux afin de relancer la compétitivité française et de garder des emplois. Il est donc nécessaire de renforcer le pouvoir Etatique afin de mater toute contestation sociale. Les attentats (de Janvier et Novembre) leur ont permis de faire passer des lois sécuritaires facilement, la plupart de la population approuvant encore sous le choc de l’émotion et de la peur.

C’est à l’idée même d’Etat qu’il faut s’attaquer, car l’Etat d’urgence n’est est qu’une émanation logique et s’attaquer seulement à l’Etat d’urgence, c’est penser que l’Etat est légitime et souhaitable : c’est alors accepter d’être esclave et refuser toute liberté individuelle et collective.