À Lyon, la situation politique est compliquée. Ville bourgeoise, où la militance est plutôt réactionnaire, elle n’offre pas, de prime abord, une place de choix aux idées anarchistes. De plus, nous assistons à une gentrification de ce qui était autrefois des quartiers populaires, où nombre de squats existaient, comme à la Croix rousse ou la Guillotière. Il y a également un grand nombre de groupes ouvertement fascistes, qui sont de plus en plus prêts à en découdre (plusieurs attaques ont eu lieux lors des dernières semaines).
Le premier objectif quant à une lutte anarchiste, pour les membres du groupe Graine d’Anar de Lyon, est de ramener la politique dans la vie d’un maximum de gens. De leur faire découvrir cette idée (ou plutôt philosophie) sans dieu ni maître. Contre le vote, nous proposons des espaces de discussion, car si les mots sont les premiers outils de la compréhension de notre monde, leur échange est primordial pour en explorer d’autres, sortir de ses ornières, voir qu’il peut exister un autre moyen de s’organiser, de lutter et de vivre. D’ailleurs, nous fonctionnons au consensus, ce qui est déjà une drôle d’exception dans nos milieux. Et surprend souvent.
Nous sommes (malheureusement) très loin d’une révolution anarchiste, l’heure est plutôt à la réaction, mais ce travail de propagande nous permet de « semer des graines » comme on dit, qui un jour peut être germeront. Cela prendra des années sans doute, ou peut être moins suivant les personnes que nous arrivons à toucher. Ce travail d’éducation populaire que nous partageons tous, n’est pas le seul, mais il est au cœur de notre vision de l’anarchie.
Certains membres du groupe luttent aussi dans les entreprises, où l’exploitation siège en reine, en rejoignant des syndicats. Là aussi diffuser les idées anarchistes pour retrouver un syndicalisme révolutionnaire puissant pouvant entraîner une grève générale nous semble un des enjeux d’une éventuelle révolution anarchiste.
D’autres participent aussi à la défense des ZAD, terrains d’expérimentations anti-autoritaires (pour la plupart), montrant qu’il est possible de vivre autrement, en prenant en compte les positions de chacun, de parler afin de trouver un consensus, et cela même au sein d’une assemblée avec des sensibilités politiques très différentes. De l’anarchisme organisationnel en acte.
Notre anarchisme ne s’arrête d’ailleurs pas à l’organisationnel. Nous savons toutes et tous que ne peut se rapprocher de l’anarchie que l’individu.e capable de dépasser les oppressions. De les combattre dans sa vie et dans ses rapports aux autres.
L’individu.e avec les autres, contre la société de l’individualisme triomphant. Ainsi, les luttes contre les oppressions sont constantes pour nous, dans la vie de chacune et chacun. Nous savons par exemple qu’il ne peut y avoir de société autogérées si l’une ou l’un de ses membres ne jouit pas des même libertés que les autres. Nous savons que tout s’interroge, de l’intime (couple, mariage, sexualités, croyances) aux modes de décisions collectives. Que tout est lié et que contrairement à la vision capitaliste (étatique ou mondialisée) de la vie, tout ne passe pas que par l’organisationnel. Mais aussi qu’il ne faut pas attendre la révolution pour changer ce qui peut l’être aujourd’hui !
Pour nous, l’anarchie est un horizon à atteindre, mais qui s’éloigne à chaque fois qu’on s’en rapproche (comme le disait Malatesta). La société idéale n’existe probablement pas, mais on peut essayer de se donner comme objectif d’atteindre cet idéal, afin de contrer ce vote du « moins pire » qu’on nous impose, cette vie du moins disant permanent. La prise de conscience que le pouvoir, quel qu’il soit, est maudit est un premier pas vers l’anarchie. La prochaine étape est de s’organiser, afin de faire exister une réalité anarchiste, même à petite échelle, par la création d’AMAP autogérées, de liens avec la paysannerie, de lieux autogérés, de vie militante où l’horizontalité est centrale par exemple, et de recréer des moments communs, des outils communs lors de la lutte, mais aussi de la vie de tous les jours. Surtout, toujours rechercher la convivialité comme outil pour vivre ensemble.
Oui nous avons eu de beaux moments dans l’histoire, comme au Mexique, en Espagne ou en Ukraine, tous écrasés par les autoritaires de tout poil. Ils doivent nous inspirer mais pas nous figer. Nous pouvons apprendre des bienfaits, et des erreurs, mais certainement pas sombrer dans une nostalgie malsaine, qui nous éloignerait du fait que l’anarchie, c’est la vie, partout, tout le temps.
Tout cela se fait évidement avec les envies des personnes qui participent, et ne peut donc pas être prévisible. Mais une fois les graines germées, il ne faut pas oublier des les arroser pour qu’elles grandissent, et deviennent anarchie !
Par le groupe graine d’anar de la Fédération anarchiste, Lyon
Mail : grainedanar@federation-anarchiste.org
Site : www.grainedanar.org