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article extrait du Monde libertaire n°1799 d’octobre 2018
Ce texte est une introduction au questionnement sur la vieillesse d’un point de vue libertaire. Il ne prétend pas être exhaustif ou non problématique. Il ne demande qu’à être continué, nuancé, repris et amendé par des apports successifs et critiques
« Il est temps de penser l’accompagnement et la prise en charge de la vieillesse alors même que les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses. »
Alors que la question de la vieillesse touche à l’essence même de l’anarchie – l’autonomie –, les courants libertaires semblent s’être majoritairement désintéressés de la question. Rares sont les textes, théoriques ou non, qui abordent le problème du vieillissement, de la dépendance, voire de la démence, d’un point de vue anarchiste. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce silence. Le vieillissement de la population est en définitive relativement récent. En 1960, en France, l’espérance de vie (hommes et femmes confondus) était en moyenne de 70 ans. On n’avait pas le temps d’être vieux, on mourrait avant de devenir dépendant. Par ailleurs, la retraite est une invention tout aussi nouvelle : ce n’est qu’en 1945 que le gouvernement français issu de la résistance institua un système public généralisé de pensions. Jusque dans les années 1940, la vieillesse était comme invisibilisée : on était un vieux travailleur mais pas un vieux. On mourrait à la tâche. Il est également possible que les réflexions au sein de l’anarchisme aient mis de côté les cas de perte d’autonomie, relégués à la marge comme des exceptions. Cette marginalisation n’a ainsi pas permis la réelle prise en compte de cette situation inéluctable. Peut-être aussi les anars sont-ils longtemps restés prisonniers, à leur insu, de représentations et de pratiques sociales solidement ancrées. Si l’on n’avait pas à penser à la vieillesse, c’est parce que les issues semblaient aller de soi : mourir au travail, finir ses vieux jours dans une institution ou passer ses dernières années entourés de ses proches. La société ou la famille (même élargie, même recomposée) prendraient soin de nous. Il est temps de penser l’accompagnement et la prise en charge de la vieillesse alors même que les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses.