Lyon, ville rebelle

1529

La Grande Rebeyne (rebeyne en lyonnais signifiant « émeute »)

C’est une révolte de la faim qui eût lieu à Lyon du 17 au 27 avril 1529.
Elle fut déclenchée à cause du prix trop élevé du blé, dû à la spéculation des marchands, et à cause de trop fortes impositions.
Les plus pauvres, menacés par la famine, mais aussi les ouvriers, se révoltent. Quant aux artisans et aux boutiquiers, pourtant touchés eux aussi, ils laissent faire. Durant dix jours, du 17 au 27 avril 1529, l’émeute populaire de la « Grande Rebeyne » va semer la panique dans les rues de Lyon.

C’est une période où les grandes familles Italiennes se font construire les plus belles maisons de la ville.  L’hiver 1528-1529 aura été particulièrement rigoureux. Le contraste entre l’étalement des richesses d’une part et la difficulté de la vie des plus pauvres est  la cause de cette émeute.
« Les marchands et les riches familles  originaires de Florence spéculent sur le blé ». En ce printemps 1529, la rumeur court, enfle et se répand dans toute la ville. Depuis un an déjà, le prix du pain monte. Certes, ce n’est pas la première fois, et jusqu’ici la population lyonnaise s’est résignée. Mais, cette fois, la crise est plus sévère que jamais. La récolte de l’année précédente a été catastrophique : le prix du bichet de blé (l’unité de mesure en vigueur) a doublé en six mois, passant de treize à vingt quatre sous. Dans ces conditions, le menu peuple s’enfonce dans la pauvreté. Pire : la famine s’est installée dans la ville.
Or, sans aucune considération pour ceux qui peuvent à peine nourrir leurs enfants, ou qui ne le peuvent plus, les édiles lyonnais étalent ostensiblement leur richesse. C’est plus que les pauvres n’en  peuvent supporter. La colère gronde, la colère menace.

Le 18 avril des affiches couvrent les murs de la ville : signé « le Pôvre », elles appellent à se rassembler le dimanche 25 avril aux Cordeliers afin d’aller chercher le blé dans le grenier des riches.

Au jour dit, ce sont de mille à deux mille  personnes qui se rassemblent dans le cloître. Haranguée par quelques meneurs, la foule passe rapidement à l’action, sonne le tocsin à Saint Nizier, envahit les rues de Lyon. C’est le début de la « Grande Rebeyne », qui en patois lyonnais signifie « émeute ».
D’un même pas, motivés par la même colère, hommes, femmes et enfants se dirigent vers le grenier municipal, qu’ils pillent. Puis ils s’en prennent aux maisons de grands bourgeois soupçonnés d’être des accapareurs. Ils ne trouvent guère de blé, mais les esprits s’échauffent. Il est d’autant plus difficile de contenir la foule que la milice, constituée d’artisans et de boutiquiers, n’intervient pas. Plus inquiétant : elle sympathise avec les émeutiers, dont elle partage les sentiments. Effrayés, les conseillers et les notables du Consulat se réfugient auprès des chanoines de la Primatiale Saint-Jean , sur la rive droite de la Saône.
La foule hurle toute la nuit sous les murs.
Après une nuit fort agitée, le calme revient à Lyon, et les révoltés perquisitionnent de grenier en grenier. Le bilan est plutôt maigre! Néanmoins, le mardi 27 avril, ne désarmant pas, ils partent pour l’Ile Barbe et pillent l’abbaye, qui dispose de quelques réserves de blé.
Pendant ce temps, toujours reclus à Saint Jean, le Consulat et les notables tiennent une assemblée permanente. S’étant enfin ressaisis, ils s’arment. Viennent à leur rescousse les miliciens, qui désormais craignent que l’on s’en prenne aussi à leurs propres biens. Une troupe de cent vingt hommes occupe alors Lyon. S’y ajoute dans les jours qui suivent la soldatesque envoyée par le roi François 1er pour rétablir l’ordre. Les autorités reprennent le contrôle de la situation, la « Grande Rebeyne » est matée, mais au prix d’une sévère répression.
Sans autre forme de procès, onze potences sont érigées aux carrefours de la ville, et les meneurs sont aussitôt arrêtés et pendus. Les personnes poursuivies sont de pauvres gens : boulangers, charpentiers, menuisiers, teinturiers. Il s’agit en fait des « gagne-deniers », des ouvriers payés à la tâche, rien que de « pôvres ménagers ». La répression et la chasse aux émeutiers vont durer deux ans, jusqu’en 1531, date à laquelle les émeutiers furent définitivement vaincus. Les riches banquiers et les marchands de la ville se tiennent très à l’écart de ces événements, mais la mémoire lyonnaise conservera longtemps le souvenir de ces terribles journées. Dorénavant, un corps d’armée de trois mille lansquenets royaux sera cantonné dans la ville en permanence.

Si la « Grande Rebeyne » reste une classique émeute de subsistance, elle n’en bouleverse pas moins l’ordre social en opposant les pauvres aux riches.
De ce fait, elle entre dans l’Histoire comme l’une des premières révoltes ouvrières d’importance.

Affiche qui initia les émeutes

« L’en fait assavoir à toutes gens de la commune de la ville de Lyon,

Premièrement à tous ceux qui ont désir de soustenir le bien public, pour répugner la malice et fureurs des faux usuriers, plaise vous à avoir regard comme le détriment du blé nous tombe sus sans l’avoir mérité, à cause de leurs greniers pleins de blé, lesquels ils veulent vendre à leur dernier mot, ce que n’est de raison ;

Et si Dieu n’y met la main, il faudra en jeter en l’eau tant y en a, et ainsi, vu la grâce Dieu et la bonne disposition du temps et qu’il ne se fait nuls amas de blé pour la guerre, et en outre que justice favorise avec gens gouverneurs et conseillers, usuriers et larrons, y mettre ordre ;

Feignant user dignité, ils nous rongent de jour en jour, comme par vérité le voyez devant vos yeux advenir la cherté dudit blé et autres denrées, qui est chose vile et infâme ; par quoi à l’exemple des autres bonnes villes, que toute la commune soit délibérée y mettre bon ordre, telle que l’en fait au blé avant qu’on l’ôte de la paille, c’est qu’on le bat et escoux ;

Il nous faut faire ainsi à ces maudits usuriers et à ceux qui ont greniers et enchérissent le blé. Sachez que nous sommes de quatre à cinq cents hommes, que nous sommes alliés ;

Faisons savoir à tous les dessus-dits qu’ils aient à se trouver dimanche, après-midi, aux Cordeliers, pour donner conseil avec nous d’y mettre ordre et police, et ce sans faute, pour l’utilité et profit de pauvre commune de cette ville de Lyon et de moi.

Le Pôvre »

1539

LE « GRAND TRIC » DE LYON DES GRIFFARINS. Avril 1539

Première grève ouvrière de l’Histoire de France, le « Grand Tric » de Lyon conduit au printemps 1539 à la fermeture pendant trois mois de toutes les imprimeries de la ville. (Cette grève ne sera réglée définitivement qu’en 1544). Au-delà du mécontentement des compagnons imprimeurs qui s’estiment mal payés, ce long conflit, qui va s’étendre à Paris, témoigne de la rupture entre les maîtres et une main-d’oeuvre nombreuse et qualifiée.
C’est dans le quartier Mercière que sont rassemblés une centaine d’ateliers. La plupart sont de petites officines qui ne comprennent que quelques presses et où s’affairent des ouvriers spécialisés : les compagnons.
Les compagnons forment une communauté soudée et créent au début du XVIème siècle une association professionnelle clandestine avec serment et cotisation des membres : la compagnie des GRIFFARINS. Ceux qui refusent de s’y joindre sont systématiquement exclus.

En dépit de son illégalité, la Compagnie parvient à se maintenir pendant une quinzaine d’années et à défendre les intérêts des Griffarins. Lorsqu’ en 1539, les maîtres-imprimeurs veulent remettre en cause certains droits (le repas qu’ils fournissent quotidiennement à leurs employés entre autres), le mot d’ordre de « TRIC », qui signifie abandon du travail, est lancé par la Compagnie. C’est la première grande grève lyonnaise.
« Tric, tric » , le signal est donné. Un à un, tous les compagnons imprimeurs quittent l’atelier. Le mot d’ordre se répand comme une traînée de poudre. Dans tout Lyon, plus aucune presse ne fonctionne. En ce mois d’avril 1539 commence le « Grand Tric » (de l’allemand Streik -grève-), la première grève ouvrière de l’Histoire de France. Non seulement, sous l’effet de l’inflation, les ouvriers ont perdu de leur pouvoir d’achat, mais de surcroît les maîtres imprimeurs, eux aussi touchés par l’augmentation du prix des denrées, envisagent de réduire, puis carrément de supprimer, les repas quotidiens qu’ils assurent aux compagnons. En échange, ils proposent de rémunérer pressiers et compositeurs sur la base de huit sous par jour ouvrable. Bien que la compensation soit honnête, les compagnons s’y opposent formellement. Ils entendent bien défendre leurs intérêts économiques, être respectés et peser sur la vie de l’atelier : comment le pourraient-ils s’ils sont chassés de la table du maître?
Parmi les ouvriers imprimeurs, rares sont ceux qui sont analphabètes : qu’ils soient pressiers, ouvriers manuels, actionnant la presse à longueur de journée et effectuant  « labeur et peine non seulement insupportables, mais quasi incroyables », ou compositeurs, formant les mots et les lignes avec les caractères mobiles, composant les pages dans la forme. Quant aux correcteurs, qui aiment se présenter comme des hommes libres ne travaillant pas sous la contrainte, « leurs art et industrie consistent en l’esprit ». En outre, cette main-d’oeuvre est nécessairement nombreuse. Toutes spécialités confondues, il faut cinq ou six ouvriers par presse. Bon nombre d’ateliers lyonnais possèdent plusieurs machines : celui d’Etienne Dolet en compte trois, ceux de Sébastien Gryphe et de Jean de Tournes jusqu’à six. Aussi, lorsque les gros ateliers travaillent à plein, le nombre des ouvriers peut atteindre vingt-cinq compagnons, sans compter le maître, ses fils et les apprentis.
Certes, tous les ateliers d’imprimerie ne sont pas toujours actifs. Ces variations influent sur la politique d’embauche et la stabilité des compagnons. Certains ont un contrat d’un an, d’autres de six mois, d’autres même pour la durée d’impression d’une seule édition. Naturellement, ces engagements peuvent être reconduits ou pas. Dans la première moitié du siècle, nombre de compagnons imprimeurs s’établissent durablement à Lyon, et il n’est pas rare d’en voir certains travailler pour deux maîtres, voire plus. Toutefois, pour la plupart, ils se situent économiquement bien au-dessus du « gagne-denier » et des compagnons de métier plus modeste.
La force des compagnons imprimeurs vient surtout de ce qu’ils sont constitués en organisation clandestine. Appelée « Compagnie des Griffarins »  (nom qui évoque les griffes du griffon et l’imprimerie de Gryphe), cette association codifie leurs droits et leurs devoirs. S’ils laissent le maître définir la politique éditoriale de l’atelier, les compagnons estiment avoir leur mot à dire quand il s’agit de juger les connaissances d’un apprenti, de fixer les salaires, de décider de l’ouverture ou de la fermeture de l’atelier. Quant au salaire en nature, il est indispensable : « Durant leurs repas, ils peuvent conférer de leur commune besogne, faite et à faire », affirment-ils.
De leur côté, les maîtres supportent de plus en plus mal ces « coutumes anciennes ». Comment respecter les délais si les ouvriers disposent de temps de repos comme bon leur semble? Par ailleurs, ils veulent être libres de prendre autant d’apprentis qu’ils le désirent, de les mettre dès que possible à la presse et à la composition, de redistribuer le travail effectué sur une édition à d’autres compagnons, voire à d’autres ateliers.
Petit à petit, le fossé se creuse entre maîtres et ouvriers. Au printemps 1539, le conflit prend des proportions telles que la plupart des ateliers observent un « tric » de trois mois. Armés d’épées et de bâtons, pressiers, compositeurs et correcteurs parcourent la ville. Par la force, ils empêchent les maîtres d’employer des apprentis pour remplacer les grévistes ou de faire appel à de la main-d’oeuvre venue d’autres villes. Et, si certains transgressent ces consignes, les « Griffarins » n’hésitent pas à rosser ces « forfants ». Le 28 décembre 1541, l’édit royal de Fontainebleau mettra un point final à ce conflit, qui s’est étendu à Paris. Il satisfait la plupart des revendications des maîtres, à l’exception d’un point important : ils doivent toujours fournir à leurs compagnons « la dépense de bouche raisonnable et suffisamment selon leurs qualités ».

[…] Le procureur du Roi disait que depuis trois ou quatre mois en ça, lesdits compagnons imprimeurs se seraient débauchés et auraient laissé et discontinué ledit train d’imprimerie, et par manière de monopole tous ensemble auraient laissé leur besogne et débauché grand nombre des autres compagnons et apprentis, les menaçant de battre et mutiler s’ils besognaient et ne laissaient ladite oeuvre et imprimerie comme eux ; tellement que ledit art d’imprimerie serait laissé et discontinué puis quatre mois en çà, et est en doute d’être du tout aboli, au grand dommage et détriment de la chose publique, attendu que c’était un des beaux trains et manufactures de ce royaume, voire de chrétienté, qui a coûté beaucoup à l’attirer et faire venir en cette dite ville. Et seraient lesdits compagnons imprimeurs et apprentis vagants et comme vagabonds en cette dite ville de Lyon jour et nuit, la plupart d’eux portant épées et bâtons invisibles et faisant plusieurs excès contre lesdits maîtres et autres ainsi que disait et maintenait et disait monsieur le procureur du roi qui disait davantage que lesdits compagnons sont monopolés et font serments et promesses illicites, entre autres de cesser oeuvre quand l’un d’eux veut cesser, et ne besogner si tous ne sont pas d’accord -, et que pis, souvent se sont rebellés contre justice et les sergents et officiers d’icelle, ont battu le prévôt et sergents jusques à mutilation et effusion de sang […]
Extrait de la sentence de la Sénéchaussée ; Archives municipales de Lyon. Cité in Histoire du Lyonnais par les textes, p. 70-71

1553

Le 9 avril

mort de François RABELAIS, à Paris. Né vers 1494 à Chinon. Moine, médecin, écrivain, il fut tout cela à la fois. Revendiqué comme un précurseur de l’anarchisme après sa description d’une abbaye imaginaire (Thélème), fonctionnant sur des principes libertaires. En 1520, moine à Fontenay le Comte, il se passionne pour l’étude du grec, puis voyage et se fixe à l’Université de Montpellier où il fait des études de médecine. En 1532, il publie « Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel ». En 1534, il accompagne l’évêque Jean du Bellay (son protecteur) à Rome. A son retour, est édité « La vie inestimable du grand Gargantua, père de Pantagruel ». Nommé docteur à Montpellier en 1537, « Le tiers livre » paraît, mais la Sorbonne condamne l’ensemble de son ‘oeuvre. Il voyage alors à nouveau en Italie, et c’est à Lyon qu’il publie le « Quart livre » (1548). Son « Cinquième Livre » ne sortira qu’après sa mort, en 1564.
« Toute leur vie était régie non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre. Sortaient du lit quand bon leur semblaient, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les éveillait, nul ne les obligeait à boire ni à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi en avait décidé Gargantua. Et leur règlement se limitait à cette clause :
estoit employée non par loix, statuz ou reigles, mais selon leur vouloir et franc arbitre. Se revoient du lict quand bon leur semblait, beuvoient, mangeaient, travailloient, dormoient quand le désir leur venoit… En leur reigle n’estoit que cest clause :

Fay ce que voudras..

(comment était réglé le mode de vie des Thélémites)

1620 à 1693

Lyon fut donc secouée par de nombreuses émeutes dirigées contre le fisc ou contre le prix élevé du pain.

1744 et 1746

Lutte pour le tarif qui est menée par les canuts Émeutes  avec Denis Monnet et bien d’autres.

1793

Pendant la Révolution française, Lyon prend en 1793 le parti des Girondins et se soulève contre la Convention. La ville subit un siège de plus de deux mois avant de se rendre. La répression de la Convention est féroce. Le 12 octobre 1793, le conventionnel Barère se vante de son succès en ses termes :Lyon fit la guerre à la liberté, Lyon n’est plus.Lyon prend ainsi le nom de Ville-affranchie. Environ 2000 personnes sont fusillées ou guillotinées.

1806

Le premier Conseil de prud’hommes de France fut constitué à Lyon le 18 mars 1806, pour arbitrer les litiges entre patrons et ouvriers de la soie.

1817

8 juin.

Mouvement insurrectionnel à Lyon et aux environs.

13 juin.

Premières exécutions d’ouvriers à Lyon et aux environs par la cour prévôtale.

Octobre.

Procès des insurgés de juin, essentiellement des ouvriers, devant la cour prévôtale de Lyon.

1821

Naissance à Lyon du chansonnier Pierre Dupont (1821 – 1870)
Ancien canut il écrit des chansons comme:
Le chant des ouvriers

1830

29 mars

naissance de Claude ROUGEOT à Demigny (Saône et Loire), ouvrier cordonnier et militant anarchiste lyonnais.
Il prend part, le 30 avril 1871, à l’insurrection du faubourg de la Guillotière à Lyon dans le but d’y établir « la Commune ».

1831

Les canuts se  révoltèrent (notamment en 1831, 1834 et 1848) en jetant les bases de grands progrès sociaux : société mutualiste, épicerie coopérative, caisse de secours mutuel, caisse de retraite, et le premier journal ouvrier, L’Écho de la fabrique, qui, en 1833, titrait « Prolétaires de tout état, unissez-vous ». Tout cela plut à Karl Marx. Il étudia le mouvement des canuts et recycla la formule avec le succès qu’on sait.

Vivre en travaillant, ou mourir en combattant…

Plusieurs centaines de tisseurs parcourent la Croix-Rousse (qui est indépendante et ne fera partie de Lyon qu’en 1852), obligent ceux qui travaillent encore à arrêter leurs métiers à tisser, bousculent la garde nationale, dressent des barricades et marchent sur Lyon, drapeau noir en tête.
L’infanterie essaie vainement de les arrêter, puis recule sous les tuiles et les balles, tandis que la garde nationale passe du coté des émeutiers. provisoire.
Une victoire aussi imprévue conduit à une situation vite embarrassante pour les canuts qui ne cherchent pas le pouvoir.

2 Novembre

L’insurrection est maîtresse de Lyon.

4 Novembre

on crée un gouvernement.

21 novembre

Dès le lever du jour, une agitation fébrile gagne toute la population de la Croix-Rousse. La plupart des métiers sont arrêtés. Des cortèges se forment, se gonflent d’heure en heure, les tambours battent le rappel. Visiblement, la garde nationale de la Croix-Rousse, où dominent les canuts, n’a pas l’intention de s’opposer à l’action des ouvriers. Des escarmouches se produisent en divers points du plateau et notamment en haut de la Grand’côte, rue Bodin, mais les ouvriers restent maîtres de la situation en construisant de nombreuses barricades.

Le maire par intérim ordonne à Ordonneau d’intervenir. Les canuts émeutiers décident de former un cortège et d’aller défiler dans Lyon. C’est là qu’un drapeau noir flotte sur lequel certains ont vu écrit cette célèbre devise « Vivre en travaillant ou Mourir en combattant » . Ils se heurtent à un peloton au bas de la Grand’côte (la rue des Capucins est le secteur des soyeux). Des coups de feu éclatent et des hommes tombent. Les manifestants ripostent avec le peu d’armes dont ils disposent, essentiellement quelques gourdins et des pelles et remontent sur le plateau. Ils désarment la garde nationale de la Croix-Rousse et battent le tocsin pour un appel aux armes généralisé. Ils construisent de nouvelles barricades avec l’aide de femmes et d’enfants.

C’est l’affolement général à l’Hôtel de ville et à la préfecture. Le général Roguet s’efforce de faire démolir quelques barricades. Le préfet décide d’aller en bataillon avec le général Ordonneau. Indignation et colère des canuts qui s’estiment trahis ; le préfet et Ordonneau sont pris en otages.

22 novembre

Dans la nuit du 21 au 22 novembre , vers minuit, une bonne centaine d’ouvriers de la Guillotière et des Brotteaux décident d’aller renforcer ceux de la Croix-Rousse. Ils se glissent sur une digue située en aval du pont de la Guillotière, évitant ainsi le poste de garde nationale placé à la tête du pont. Ils vont jusqu’au confluent et traversent la Saône au pont de la Mulatière, contournent la presqu’île et gravissent la montée de Choulans. Arrivés à Saint-Just, prévenus, des ouvriers de Saint-Just, de Saint-Georges, du Gourguillon, viennent grossir le groupe et poursuivent par Trion et Champvert pour descendre à Vaise, où d’autres encore les rejoignent quand ils sont arrêtés par la garde nationale.

Les canuts rebroussent chemin et traversent les terres au bas du chateau de la Duchère pour arriver au pont de Rochecardon. Une compagnie de la garde nationale de Saint-Didier-au-mont-d’Or bivouaque là. « Qui vivent ? » s’écrient les gardes nationaux. « Ouvriers » répondent d’une voix forte les premiers de la bande aux gardes qui livrent le passage. Cette troupe gagne Saint-Rambert, où des ouvriers de la manufacture de la Sauvagère la rejoignent. Elle repasse ensuite la Saône sur pont de l’Ile Barbe et par la montée de Cuire, grimpe à la Croix-Rousse. Ils sont maintenant 350 quand ils débouchent sur la place de la Croix-Rousse.

La venue de ces hommes dont beaucoup avaient dû faire un détour d’une bonne vingtaine de kilomètres, relève le moral des  habitants de la Croix-Rousse qui les appellaient de tous leurs voeux. D’autres ouvriers arrivent de Collonges, de St Cyr et on en attend de Tarare, de Thizy, de Vienne et Saint-Étienne…

Pour les émeutiers qui ont veillé fièvreusement dans la nuit et le froid, voilà une rasade de fraternité qui brûle les veines, chasse l’angoisse et balaie le découragement. Ce renfort spontané marque le sommet de la révolte des canuts, et la grande solidarité des travailleurs lyonnais constitue la première et éblouissante illustration d’un combat pour la justice.

Après qu’il ait promis d’agir en vue d’un cessez-le-feu, les insurgés relâchent le préfet puis le général Ordonneau plus tard dans la nuit.

Vers 5 heures du matin en ce mardi 22 novembre, les hostilités reprennent. Les ouvriers ont fortifié leurs positions et ils résistent victorieusement aux assauts des troupes de lignards. Solidement installés derrière leurs barricades, embusqués aux fenêtres de hautes maisons des pentes, ils infligent des pertes terribles à leurs adversaires dont le moral fléchit d’heure en heure.

Dans la matinée, de nouveaux foyers d’insurrection se créent en différents points de Lyon. Les ouvriers de Saint-Just désarment le poste de la barrière, et contrôlent le télégraphe, privant ainsi le gouvernement d’informations précises en provenance de Lyon. D’autres ouvriers de la rive gauche du Rhône et de la rive droite de la Saône se sont engagés dans la révolte et un feu nourri accable les militaires installés sur les quais de la presqu’île.

Des ouvriers de toutes professions, de tous les quartiers de la ville se soulèvent à leur tour. L’insurrection devient générale. Le tocsin sonne à St Paul, mais aussi à St Pothin. Les masses s’ébranlent. Les rues, les places, les quais se hérissent de barricades. On attaque les corps de garde occupés par la garde nationale ou par l’armée, ainsi que les pavillons de l’octroi. Plusieurs deviennent la proie des flammes. Ce n’est plus une émeute, c’est une révolution.

Vers onze heures et demi, sur la place des Célestins, se forme un rassemblement de quinze à vingt jeunes gens, en partie des enfants, sans souliers et armés seulement d’une ou deux haches et d’un ou deux fusils. Ce sont pour la plupart des décrotteurs qui se tiennent d’ordinaire à la porte du théâtre. L’un d’eux tient une épée sans poignée provenant du pillage d’une armurerie passage de l’Argue. Ils vont d’armurerie en armurerie et se constituent ainsi une quincaillerie.

L’hôtel de la monnaie, rue de la Charité, est pris, avec l’aide des modères, crocheteurs et autres mariniers, mais aucun sou n’est dérobé alors que le directeur leur dit qu’il s’y trouve quinze cent mille francs en or.

A partir de midi et demi, les ponts du Rhône et de la Saône tombent sous la pression des insurgés. Des barricades jalonnent toute la ville, des magasins d’armurerie sont pillés, des armes enlevées aux gardes nationaux et aux soldats désemparés. L’arsenal est investi, la poudrière de Serin capitule, l’étau se resserre autour de l’hôtel de ville.

Les ouvriers se rendent maître de la ville, qui est évacuée par les autorités. La bataille est rude. Environ 600 victimes dont environ 100 morts et 263 blessés, côté militaire 69 morts et 140 blessés côté civil.

23 novembre

Dans la nuit du 22 au 23 novembre les ouvriers tiennent l’ensemble de la ville, à part un tout petit secteur où se trouve l’Hôtel de ville qui est complètement encerclé. Vers minuit, le général Roguet réunit le corps municipal et plusieurs officiers, en présence du préfet, pour prendre des mesures face à la situation intenable pour eux. Dès 2 heures du matin, ils décident de battre la retraite et de s’enfuir avec ce qui reste des troupes jusqu’au fort de Montessuy. Dans cette retraite, gênés par les barricades, les soldats sont pris sous le feu des ouvriers qui croient à une diversion.

A l’Hôtel de ville, ce sont les détenus enfermés depuis la veille dans les caves qui, réveillés par le bruit des chevaux au départ de la troupe, constatent à leur grand étonnement que le grand édifice est vide. Ils préviennent des ouvriers. Tout à coup, beaucoup de monde rapplique et une fièvreuse animation s’empare du bâtiment. Un gouvernement insurrectionnel, composé surtout de volontaires du Rhône, s’organise en se proclamant état major provisoire . Il vote une déclaration commune, après moultes débats et amendements, et proclame la déchéance et le renversement des autorités légitimes.

La déclaration débute par :
« Lyonnais,
Des magistrat perfides ont perdu de fait leurs droits à la confiance publique ; une barrière de cadavres s’élève entre eux et nous, tout arrangement devient donc impossible. Lyon, glorieusement émancipé par ses braves enfants… »
et se termine par :
« Tous les bons citoyens s’empresseront de rétablir la confiance en ouvrant les magasins. L’arc-en-ciel de la vraie liberté brille depuis ce matin sur notre ville. Que son éclat ne soit pas obscurci. Vive la vraie liberté. »

Le but de cette déclaration était de mettre en place une magistrature populaire émanant de comices et d’assemblées primaires.

Une police ouvrière est hâtivement constituée. Mais quel contraste quand on voit des ouvriers en haillons monter la garde devant la caisse des banquiers absents tandis que les fabricants complotent la contre-révolution dans le camp du général Roguet.

Pour ainsi dire, aucun pillage n’a eu lieu, sauf celui décidé collectivement pour la maison Oriol, sur le quai St Clair, dans laquelle le propriétaire avait autorisé les soldats à tirer sur les ouvriers du haut des fenêtres. Là le mobilier, les livres de compte, les étoffes, tout a brûlé et on a bien bu tout le vin qu’il y avait dans la cave.

Le préfet, resté à Lyon dans sa préfecture, tente de susciter la division au sein des ouvriers. D’ailleurs il y parviendra.

Pendant toute la journée l’hôtel de ville est en pleine ébullition, et des discussions sévères ont lieu entre les partisans de rester fidèles aux institutions et les partisans de changer de régime. Les révolutionnaires ont le pouvoir en main avant que les conditions nécessaires à l’exercice du pouvoir ne soient mûres…

24 novembre

Lyon est calme, même si l’effervescence est visible partout dans la ville et notamment à l’hôtel de ville, où les discussions sont chaudes entre des politiques et des ouvriers qui semblent embarrassés de leur victoire soudaine. Le préfet continue son oeuvre de récupération en flattant les ouvriers.

L’état major provisoire, où ne siègent pratiquement pas de canuts, cède la place à un « conseil des seize », composé des chefs de section qui avaient été élus par les canuts dans chaque quartier pour exiger « le tarif ». Ce conseil décide de collaborer avec le préfet et les anciennes institutions en place. Néanmoins, c’est bien ce conseil ouvrier qui a la véritable autorité sur la ville, et qui réussit à faire régner l’ordre et mettre en place le tarif. L’ambiance est à la conciliation, comme en témoigne même ce qu’en dit L’Écho de la Fabrique.

A Paris, comme toujours, on ne comprend pas ce qui se passe à Lyon, et les députés, qui sont tous de riches possédants, prennent peur et en appellent au roi en exigeant la plus extrême sévérité. Louis-Philippe envoie son fils, le duc d’Orléans, et le ministre de la guerre, le maréchal Soult avec des consignes précises : dissolution des corporations d’ouvriers, annulation du tarif, désarmement de la population.

25 novembre

Pou mémoire un extrait de l’époque :
Vendredi 25 novembre 1831, Lyon, les Canuts, de l’imprimerie de Charvin, rue Chalamon, n°1, près de la rue des Souffletiers
La Glaneuse, journal des salons et des théâtres, première année, n°47
Cela se passe dans la nuit du 22 au 23 novembre 1831
« Il est minuit, le silence le plus effrayant règne dans toute la ville. Ce silence est interrompu par quelques coups de fusils, et chaque explosion nous annonce peut-être la mort d’un de nos frères. Le jour paraît, le nombre des ouvriers armés s’est considérablement accru ; la lutte vient de recommencer en plusieurs points ; un grand nombre d’ouvriers et de jeunes gens se sont joints aux ouvriers en soie. Ils ont juré de vaincre ou de mourir. Ils tiendront leur serment.

Les gardes nationaux ont enfin compris le rôle honteux que l’autorité leur faisait jouer dans ce drame terrible. Ils ont presque tous cessé de faire feu sur le peuple. Ils ont caché leurs habits : qu’ils se hâtent de les brûler, ils sont souillés … de sang …

Vers 2 h du matin une vive fusillade s’engage, les troupes abandonnent la ville, la cause du peuple a triomphé ! Sa vengeance sera terrible, sans doute, le pillage, l’incendie, les massacres….Silence, trembleurs du juste milieu ! Silence, aristocrates égoistes, ne calomniez pas le peuple, il vous tenait hier dans sa main, il n’avait qu’à la fermer pour vous écraser tous, et cette main généreuse, il l’a ouverte …. Ne tremblez plus…. »

A Paris  Perier s’exprime devant la Chambre des députés : il annonce que le duc d’Orléans, fils aîné du roi, et le maréchal Soult, ministre de la Guerre, se mettent à la tête d’une armée de 20.000 hommes pour reconquérir Lyon. Louis-Philippe les engage à la fermeté, mais leur interdit de recourir à des exécutions capitales. Il se montre très critique vis-à-vis du préfet mais reste prudent sur le tarif.

28 novembre

le duc d’Orléans et le maréchal Soult s’installent à Trévoux où ils attendent que le calme revienne dans Lyon.

1er décembre,

c’est le général Castellanne qui arrive le premier par les hauteurs de Saint-Just, pour mater cette ville de Lyon avant Soult et le duc d’Orléans

3 décembre

Une armée de 26 000 hommes, 150 canons commandée par le fils du roi, le Duc d’Orléan et le maréchal Soult, mate la rébellion. Il y a 600 morts et 10 000 personnes sont expulsées de la ville.

Le gouvernement décide la révocation du préfet, l’abrogation du tarif et la construction d’un fort, pour séparer la ville de Lyon au carrefour de la Croix-Rousse. De nouvelles fortifications seront  construites tout autour de Lyon pour pouvoir mieux combattre l’ennemi intérieur (c’est à dire les ouvriers dorénavant) : fort Lamothe, de Saint-Irénée, de Montessuy, de Serin, de Vaise, de Bron…

26 Décembre

Le président du Conseil, Casimir Périer,déclare que  la révolte avait voulu s’armer « contre la liberté du commerce et de l’industrie » et que « la société ne se laisserait pas menacer impunément. »… «Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a pas de remède pour eux que la patience et la résignation ! »»

Louis Blanc s’exclama : « Ainsi, des canons pour remédier aux maux de la concurrence ; des forteresses pour réduire une foule de malheureux offrant du travail sans autre condition que de ne pas mourir de faim ; des soldats, pauvres armés pour contenir des pauvres sans armes… ministres, députés, pairs de France, ne paraissent pas connaître de meilleurs moyens de gouvernement. »

Voilà comment Mme Desbordes-Valmore retraçait la révolte des canuts : « Ce peuple affamé, soyez-en sûr, a été retenu par l’impossibilité d’être méchant. Cet immense phénomène n’a été signalé par personne, mais j’ai senti plusieurs fois fléchir mes genoux par la reconnaissance et par l’admiration. Nous attendions tous le pillage et l’incendie, et pas une insulte, pas un pain volé ! C’était une victoire grave, triste pour eux-mêmes, qui n’ont pas voulu en profiter. »

1834

9 avril

début de la seconde insurrection des Canuts. Après l’échec des grèves de février puis le vote de la loi contre les associations ouvrières, le jugement des meneurs de février, ce 9 avril, met le feu aux poudre. L’armée occupe la ville et les ponts, mais déjà les premières fusillades éclatent avec la troupe, qui tire sur la foule désarmée. Aussitôt, les rues se couvrent de barricades. Les ouvriers organisés prennent d’assaut la caserne du Bon-Pasteur, et se barricadent dans les quartiers en en faisant de véritables camps retranchés, comme à la Croix Rousse. C’est le début de la « Sanglante semaine ».

10 avril

De nouvelles fusillades ont lieu avec la troupe. Les insurgés s’emparent du télégramme, du quartier de la Guillotière, puis de Villeurbanne où les casernes sont prises.

Le drapeau noir flotte sur Fourvière, St Nizier et l’Antiquaille.

11 avril

Les combats se poursuivent. Le quartier de la Croix Rousse est bombardée par la troupe qui a reçu des renforts, massacre de tous les habitants de l’immeuble de la rue Transnonain.
Tentatives d’insurrection à Saint Etienne et à Vienne.

12 avril

La troupe attaque et prend le quartier insurgé de la Guillotière, après avoir détruit de nombreuses maisons avec l’artillerie

14 avril

l’armée reconquiert progressivement la ville et attaque pour la troisième fois le quartier de la Croix Rousse, massacrant de nombreux ouvriers.

15 avril

Fin de la « Sanglante semaine ». La deuxième grande insurrection des Canuts est matée dans le sang. Plus de 600 de victimes sont à nouveau à déplorer. 10 000 insurgés faits prisonniers seront jugés dans un « procès monstre » à Paris en avril 1835, et condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison.

1836

19 mars

Naissance à Davayé (Saône-et-Loire) de DEJOUX, François.

François Dejoux entra dans les rangs anarchistes après la condamnation de son frère Louis, à un an de prison par la cour d’assises du Rhône le 25 mai 1882 et sa fuite en Suisse. Membre de la Fédération révolutionnaire, qui groupait la plupart des anarchistes de la région de l’Est, il fut secrétaire de rédaction au journal anarchiste L’Étendard révolutionnaire (13 numéros du 30 juillet au 15 octobre 1882), qui avait succédé au premier journal anarchiste lyonnais le Droit social (24 numéros du 12 février au 23 juillet 1882) dont son frère avait été le premier gérant .

Le 19 novembre 1882, il fut arrêté ainsi que vingt-cinq de ses compagnons à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882. Impliqué dans le procès, dit Procès des 66, il comparut devant le tribunal correctionnel de Lyon le 8 janvier 1883. Selon l’importance des charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories (Voir Bordat). François Dejoux, prévenu de la 1re catégorie, fut condamné, le 19 janvier 1883, à un an de prison, 100 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils.

1837

Le 23 août

naissance d‘Etienne FAURE, à Saint-Etienne.
Membre de la Commune de Saint-Etienne, militant et propagandiste anarchiste.
Ouvrier cordonnier, c’est lui, semble-t-il, qui dirigea la grève des cordonniers en 1868. En 1871 après l’insurrection parisienne, militant révolutionnaire, il fait partie le 24 mars du comité insurrectionnel qui s’empare de l’Hôtel de Ville et procède à l’arrestation des autorités. Désigné responsable de la police, il fait afficher un appel au peuple en vue d’élire les membres d’une Commune. Chassé par les autorités militaires trois jours plus tard, il parvient à s’enfuir et à rejoindre la Suisse. Le 29 février1872, il est condamné par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée. En 1880, bénéficiant de l’amnistie, il rentre en France et poursuit son militantisme au « Cercle des Travailleurs » où il se prononce pour un collectivisme antiparlementaire. Son logement sert alors aux réunions anarchistes et à la diffusion de la presse libertaire. Le 21 novembre 1882, il est arrêté et inculpé lors du procès des 66, pour « reconstitution de l’Internationale » et condamné le 13 mars 1883 à Lyon, à 2 ans de prison et à 5 ans de surveillance. Après avoir purgé sa peine, il retourne à Saint-Etienne où devenu marchand ambulant, il poursuit la diffusion des idées anarchistes, abstentionnistes et antimilitaristes. Il sera à nouveau inquiété par la police après les attentats de Ravachol puis le vote des « lois scélérates ». Dans les années 1900, il propose la création d’un groupe de défense des locataires et participe à la propagande antimilitariste. Très populaire à Saint-Etienne, il meurt le 1er février 1911.

Le 10 octobre

mort de François-Charles-Marie FOURIER, (né le 7 avril 1772 à Besançon). Penseur et économiste français, théoricien d’un socialisme d’association.
Issue une famille bourgeoise, il travaille dans le commerce à lyon, Paris, Marseille. A lyon, il ouvre une boutique d’épicerie mais, ruiné, il est jeté en prison. Il sera dès lors un simple employé de commerce. Préoccupé par les problèmes sociaux, il écrit en 1805 un premier article dans le « Bulletin de lyon ». Il vit modestement et se consacre à l’écriture. Contestant l’ordre social établi, il veut le remplacer par un nouveau, basé sur les « Passions », afin de retrouver l’harmonie naturelle. Pour cela, il imagine le système du phalanstère (communauté, à la fois coopérative de production et de consommation). Ses livres seront incompris et sujets de railleries, et ne lui permettront pas de mettre en pratique ses idées.
Il aura pourtant de nombreux disciples dont Victor Considérant.
Il est l’auteur de « La théorie des quatre mouvements et des destinées générales « (1808), « Traité de l’association domestique et agricole »( 1822), « Le nouveau monde industriel où sociétaire »(1829), « Vers la liberté en amour », etc.
« La concurrence prépare les crises, ruine le plus grand nombre, élève une aristocratie mercantile, frappe à la fois les chefs d’usines et les ouvriers. Elle perpétue l’esclavage sous la forme du salariat. Le travail rebutant, inorganisé, mal payé, ressemble à un châtiment. La misère grandit avec l’abondance. Nos populations sont aussi malheureuses que celle d’Asie. »
C. Fourier (in « Le nouveau monde industriel ou sociétaire, 1829).

1838

Le 1er mai 1838, naissance de Louis CHAMPALLE. Ouvrier tisseur, militant anarchiste lyonnais de la Fédération révolutionnaire.
Arrêté le 19 novembre 1882, suite aux attentats lyonnais et à l’agitation de Montceau-les-Mines, il fut impliqué dans le « Procès des 66 » en janvier 1883 et condamné à 6 mois de prison. En 1892, il était membre du groupe anarchiste lyonnais « Le réveil de la Croix-Rousse ».

1847

13 novembre

naissance  , de DIAMIANS Joseph, François à Lyon

Joseph Damians, Passementier, qui habitait, 14, rue Tolozan, à Lyon (Rhône) appartint à la fédération révolutionnaire de la région de l’Est, qui, en mars 1881 — c’est-à-dire quelques semaines avant la tenue à Paris du congrès régional du Centre qui marqua la scission entre socialistes et anarchistes — groupait la plupart des anarchistes de la région de l’Est.

Le 30 juillet 1882, il fut élu au titre d’ancien « actionnaire » du Droit social — le premier journal anarchiste fondé à Lyon — membre de la commission exécutive chargée à la fois de la direction de la fédération révolutionnaire et de l’administration du nouveau journal L’Etendard révolutionnaire qui succéda le 30 juillet 1882 au Droit social. Le 19 novembre 1882, il fut arrêté ainsi que vingt-cinq de ses compagnons à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882, et impliqué dans le procès, dit Procès des 66, qui s’ouvrit devant le tribunal correctionnel de Lyon le 8 janvier 1883. Selon l’importance des charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories (voir Bordat). Le 19 janvier 1883, Damians, prévenu de la 1re catégorie, fut condamné, bien qu’il ait contesté à l’audience avoir fait partie de la fédération révolutionnaire, à six mois de prison, 50 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils.

En octobre 1902, il reconnut être le signataire de l’article intitulé Un bouge, paru dans Le Droit social du 12 mars 1882, article pour lequel l’anarchiste Cyvoct avait été condamné à la peine de mort en décembre 1883 (Voir Cyvoct).

1848

la « société des voraces » qui, lors de la révolution de 1848, répandit dans toute la ville son rêve  d’un ordre social nouveau et juste.
La société des voraces regroupait les plus radicaux des canuts, adepte d’un nouvel ordre social,« vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Après les émeutes de 1831 et 1834 ils participèrent à la révolution de 1848, 400 d’entre eux s’emparent de l’École militaire malgré les 150 soldats qui sont mis en fuite sous la violence de l’assaut. L’Hôtel de Ville est pris, et à la Croix Rousse les ouvriers repoussent les colonnes de soldats. Les Voraces se rendent maîtres de la ville pour plusieurs mois.
Ils veulent remettre en cause la manière de travailler et font donc peur aux républicains du lendemain de 48Les Voraces firent une  expédition en Savoie pour tenter de créer un état républicain indépendant.

1849

15 juin

Les autorités reprennent brutalement l’initiative. Le général Magan qui est déjà intervenu à Paris à Lyon en 1831et en 1848 à Paris est de nouveau présent à Lyon. On dénombre 150 morts du côté des ouvriers, et 80 du côté de l’armée. Le mois suivant, 1 200 personnes sont arrêtées.
Les Voraces sont écrasés à la Croix-Rousse alors que ce faubourg n’est pas encore lyonnais
Prudent, l’empereur Napoléon III veillera au démantèlement des fortifications de la Croix-Rousse et au rattachement, en 1852, de celle-ci à la Ville de Lyon.

novembre

Naissance à Replonges (Ain) de DEJOUX, Louis Cordonnier à Lyon

Louis Dejoux, habitait, 67, rue de Chartres, à Lyon appartint à la Fédération révolutionnaire de la région de l’Est, qui, en mars 1881 — c’est-à-dire quelques semaines avant la tenue à Paris du congrès régional du Centre qui marqua la scission entre socialistes et anarchistes — groupait la plupart des anarchistes de la région de l’Est.

À titre de gérant du Droit social (Lyon, 24 numéros du 12 février au 23 juillet 1882) , le premier journal anarchiste fondé à Lyon, il fut condamné en mai 1882, par la cour d’assises du Rhône, à un an de prison et 200 f d’amende pour des articles glorifiant l’acte de Fournier, jeune ouvrier sans travail âgé de dix-neuf ans qui, le 24 mars 1882, avait tiré à Roanne sur le patron Bréchard. Louis Dejoux était alors passé en Suisse et avait été remplacé à la gérance du journal par A. Bonthoux. Dejoux représenta la Fédération révolutionnaire à un congrès de la Fédération jurassienne tenu à Lausanne le 4 juin 1882, congrès au cours duquel Élisée Reclus proposa d’organiser à Genève dans le courant du mois d’août une réunion anarchiste de caractère international. Louis Dejoux était toujours réfugié en Suisse quand il fut impliqué, comme son frère François, dans le procès, dit Procès des 66, qui s’ouvrit à Lyon devant le tribunal correctionnel, le 8 janvier 1883, à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882. Selon l’importance des charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories . Dejoux, prévenu de la 1re catégorie fut condamné par défaut, le 19 janvier 1883, à deux ans de prison, 1 000 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils. Il aurait été par la suite, l’un des gérants, entre 1889 et 1901, du Père Peinard d’Emile Pouget

1850

Le 22 novembre 1850, naissance de Camille CAMET à lyon.
Membre de l’Internationale et partisan bakouniniste. Tisseur lyonnais (canut), il s’affilie dès 1869 à l’Internationale et aurait été secrétaire du « Comité Central de Salut de la France » en septembre 1870. Soldat à St-Etienne en 1871, il déserte et passe en Suisse. Mais le 30 avril 1871, il est de retour à lyon porteur de placards révolutionnaires, au moment où se produit une tentative insurrectionnelle dans le quartier de la Guillotière puis de la Croix-Rousse. Mais après l’échec du mouvement (maté par la troupe) il retourne à Zürich, en Suisse. Les 15 et 16 septembre 1872, il représente, avec Pindy, les sections françaises au Congrès de l’Internationale anti-autoritaire à Saint-Imier. Ami de Bakounine, il se rend en mars 1873 à Barcelone, avec Charles Alerini et Paul Brousse (lesquels seront délégués de la « Fédération Régionale Espagnole » et de la section de langue française de Barcelone, au 6ème Congrès général de l’Internationale à Genève). Il publie avec eux au nom du « Comité de propagande révolutionnaire socialiste de la France méridionale » un manifeste anarchiste, et crée le journal « Solidarité révolutionnaire ». De retour en France, après le congrès de Genève, il déploie une intense activité militante à Lyon et St-Etienne, élaborant un programme révolutionnaire dans l’éventualité de la proclamation d’une Commune insurrectionnelle. Mais surveillé par la police, il est arrêté en novembre 1873, avec 29 autres militants, et condamné le 25 avril 1874 à cinq ans d’emprisonnement pour le complot, dit de Lyon. A nouveau jugé en décembre 1874 pour désertion, il est condamné à cinq ans de travaux publics (avec confusion des peines). Il sera amnistié fin mai 1879, et deviendra ensuite un militant socialiste guesdiste. En 1892, il sera responsable du « Parti Ouvrier Français » pour la région Lyonnaise.

1853

22 janvier,
le tribunal correctionnel du Vigan condamna Adolphe Dard pour vagabondage à deux mois de prison.Dard débuta dans la vie politique lyonnaise en 1880 dans les rangs du comité constitué à la Croix-Rousse en faveur de la candidature d’Auguste Blanqui aux élections législatives. Il milita surtout en 1882 dans les rangs de la section croix-roussienne de la fédération révolutionnaire lyonnaise fondée par Toussaint Bordat et Claude Bernard. Il présida des réunions importantes comme celle du 9 septembre 1882, salle de l’Élysée, sur la grève des conscrits et multiplia les déclarations de principe contre le suffrage universel « qui corrompt le peuple ».En janvier 1883 il figura parmi les anarchistes déférés en correctionnelle pour reconstitution d’une organisation internationale des travailleurs (loi Dufaure de 1872) et, le 19 janvier, fut condamné par défaut (car il avait pris la fuite) à cinq ans de prison, 2 000 f d’amende et cinq ans d’interdiction des droits civils.

Arrêté à Lyon, le 14 novembre 1887, il fit opposition au jugement et obtint son acquittement le 22 novembre 1887 devant le tribunal de Lyon. Il semble avoir gagné la Suisse et y être demeuré jusqu’en 1892. À son retour, il se tint à l’écart de l’action politique.

Le 6 janvier 1895, frappé de congestion, il demeura paralysé.

1854

Le 11 juillet 1854, naissance de Toussaint BORDAT, à Chassenard (Allier). Militant anarchistelyonnais.
Engagé à 16 ans, il participe aux combats de l’armée de la Loire en 1870. Il se fixe ensuite à Lyon et y devient canut (ouvrier tisseur) de la Croix-Rousse. Son engagement politique se situe alors au sein du « Parti ouvrier socialiste » dont il est une figure marquante. Mais, en désaccord avec la ligne guesdiste (marxiste et électoraliste), il crée en 1881, le « Parti d’action révolutionnaire », qui se rallie à l’anarchisme.
Le 18 juin 1882, lors d’une manifestation en souvenir de la sanglante répression des mineurs de la Ricamarie, il est condamné suite aux violences qui s’y déroulent à un mois de prison. En 1882, il collabore au journal anarchiste lyonnais « Le Droit social » puis à « L’Etendard révolutionnaire » qui lui succède. Partisan de l’action directe, il justifie, par l’écrit et la parole, les actions de la « Bande noire » de Montceau-les-Mines contre les édifices religieux. Le 14 octobre 1882, il est arrêté et inculpé avec d’autres militants de « reconstitution d’une internationale révolutionnaire ». Le procès monstre dit des « 66 » se déroule début 1883, il y est condamnée à 4 ans de prison et à une forte amende. Il ne sort qu’en janvier 1886, pour reprendre ses activités révolutionnaires qui lui valent à nouveau quelques mois de prison et une interdiction de séjour. Il se fixe alors à Vienne puis à Narbonne où il organise, en 1897, les conférences de Sébastien Faure

1856

10 avril,

naissance de Claude CRESPIN à Lyon, militant anarchiste et syndicaliste lyonnais. En 1882, il devient gérant du journal libertaire « L’étendard révolutionnaire », ce qui l’amène à être poursuivi en justice, le 16 août 1882. Une menace de mort proférée à l’encontre de l’avocat général durant l’audience lui vaudra 2 ans de prison. Il sera à nouveau condamné dans le « Procès des 66 » à Lyon en janvier 1883, à 3 ans de prison. Libéré en 1886, il s’engage alors dans le syndicalisme révolutionnaire et sera délégué de son syndicat à la bourse du travail de Lyon en 1890.

1859

7 août 1859,

naissance d’Emile HUGONNARD dit Michel, à Lyon.
Militant anarchiste lyonnais.
Membre de la fédération révolutionnaire de l’Est jusqu’au congrès de 1881 (qui marque la séparation définitive entre socialistes marxistes et anarchistes), il milite ensuite dans le mouvement anarchiste émergeant. Mais le pouvoir politique tente de casser toute tentative d’organisation, et le 19 novembre 1882, il est arrêté et impliqué dans le « Procès des 66 ». Le 19 janvier 1883, à Lyon, il est condamné à 6 mois de prison. En 1890, membre du « groupe de la Guillottière » il prend part à Genève (Suisse) à une tentative de rassemblement des groupes anarchistes de la région lyonnaise.

1861

vers 1861

naissance de DIDELIN Nicolas à Lyon

Nicolas Didelin appartint à la fédération révolutionnaire de la région de l’Est, qui, en mars 1881 — c’est-à-dire quelques semaines avant la tenue à Paris du congrès régional du Centre qui marqua la scission entre socialistes et anarchistes — groupait la plupart des anarchistes de la région de l’Est.

L’anarchiste A. Cyvoct avait lancé en 1882 une campagne antimilitariste qu’il menait dans les réunions publiques organisées par la fédération révolutionnaire ; il incitait les jeunes gens à la grève des conscrits et à la désertion, et les invitait à s’inscrire au bureau de l’Étendard révolutionnaire (Lyon, 13 numéros du 30 juillet au 15 octobre 1882), journal anarchiste lyonnais qui avait succédé au Droit Social. Les noms devaient être tenus secrets jusqu’au moment où les intéressés seraient assez nombreux pour mettre leur projet à exécution. Deux conscrits seulement vinrent s’inscrire : Cyvoct et Didelin.

Didelin fut arrêté le 19 novembre 1882, ainsi que vingt-cinq de ses compagnons, à la suite des violentes manifestations des mineurs de Montceau-les-Mines d’août 1882 et des attentats à la bombe perpétrés à Lyon en octobre 1882, et impliqué dans le procès, dit Procès des 66, qui s’ouvrit à Lyon, devant le tribunal correctionnel, le 8 janvier 1883. Selon l’importance des charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories (voir Bordat). Didelin, prévenu de la 1re catégorie, fut condamné le 19 janvier 1883 à six mois de prison, 50 f d’amende et cinq ans de privation des droits civils. À l’audience, il contesta avoir fait partie de la fédération révolutionnaire.

Les compagnons incarcérés furent en désaccord sur la question de savoir s’ils devaient ou non faire appel. Louise Michel consultée écrivit à Didelin le 30 janvier 1883 : « Mon cher enfant, Tu peux dire à notre ami Bernard et à nos autres amis que nous comprenons les motifs qui font agir ceux qui rappellent et ceux qui ne rappellent pas. Nous sommes en des circonstances où ceux qui ont affirmé hautement leurs pensées ont droit à notre confiance, qu’ils fassent donc ce qu’ils veulent. (…) Ce que nous regrettons c’est que vous n’ayez pas collectivement fait l’un ou l’autre. Moi, je préférerais qu’on ne rappelât pas, d’autres aussi préféreraient qu’on rappelât. Mais vous avez notre confiance et vous le montrez d’une façon ou l’autre. Je vous embrasse tous. Ta cousine, Louise Michel. À bientôt une longue lettre. » Les rapports de Didelin avec le mouvement s’aigrirent et il écrivait à sa mère le 8 juin 1883 : « … Ils voudraient pouvoir encore se servir de ceux qui peuvent ou accepteraient d’écrire, mais quant à moi, nein, comme dit l’allemand, je veux encore conserver ma dignité et je refuse de m’associer à ces pleureurs […] Et voilà l’Anarchie, voilà les propres paroles de ceux qui la préconisent, vrai de vrai, j’en ai soupé. »

Didelin ne fit pas appel du jugement. Il fut libéré le 19 juillet 1883.

1865

10 juin

Naissance  à Villefranche-sur-Saône (Rhône) de DESGRANGES Pierre, François « Grange »  – mort le 16 juillet 1898. Ouvrier en balais – Lyon & Villefranche-sur-Saône (Rhône)

Pierre Desgranges était le fils de François Desgranges, ouvrier en balais et militant anarchiste, et le frère aîné de Victor Joany également ouvrier en balais et également militant anarchiste.

Après avoir longtemps habité chez ses parents à Villefranche-sur-Saône, Pierre Desgranges se fixa à Lyon au début de l’année 1890. Il s’y maria, en septembre 1894, avec Marie Canova, dévideuse, sa concubine. Il habita successivement aux Brotteaux, cours Lafayette, puis dans le Vieux Lyon, rue du Boeuf.

Ses activités ne tardèrent pas à attirer l’attention de la police qui perquisitionna chez lui à plusieurs reprises : le 30 mars 1892, le 17 novembre 1893, le 1er janvier 1894 (il fut alors écroué en vertu de la loi du 18 décembre 1893, sous l’inculpation de participer à une association de malfaiteurs, puis remis en liberté faute de preuves le 8 janvier 1894). Une dernière perquisition eut lieu à son domicile le 6 juillet 1894. Desgranges était en relations avec Louise Michel, Sébastien Faure et Jean Grave. Le 27 décembre 1891, il participa, aux Brotteaux, à la constitution d’un groupe de la Jeunesse antipatriote et, aux approches du 1er mai 1892, s’occupa, avec ses amis, de la préparation de la manifestation avec le souci de rechercher le recours à la violence. En février 1892, il fonda un groupe anarchiste Les Ennemis de toute candidature et fréquenta les réunions du groupe croix-roussien Ni Dieu, ni maître, installé rue du Mail. Lors des élections législatives de 1893 il fit, dans le 1er arr. de Lyon, acte de candidature abstentionniste.

Vers 1896 il s’efforça de coordonner l’action des groupes anarchistes dispersés dans Lyon et proposa, sans succès, la constitution d’une société régulière dont la couverture légale faciliterait les réunions et les conférences des compagnons. À cette époque il tenta, avec l’aide du Cercle de l’Égalité de fonder une bibliothèque anarchiste et il participa, aux côtés de Sébastien Faure, à une active campagne abstentionniste. Mais Desgranges poursuivait encore une autre idée : il avait le projet de fonder une revue lyonnaise internationaliste La Jeunesse Nouvelle. À force de persévérance (et de souscriptions) il parvint à louer, 9-11, rue de la Monnaie, un local qui servit de salle de réunion et de siège à la revue dont le premier numéro parut le 5 décembre 1896. La revue à laquelle ont collaboré entre autres Bordat, Augustin Hamon, Lempol, Loys Dormain et Henri Perceval a publié au moins trois numéros (n°3, 6 février 1897).

Le 18 mai 1897, Desgranges quitta Lyon pour aller habiter chez son frère Victor, à Villefranche-sur-Saône, 8, rue des Tanneurs. En avril 1898, il tomba gravement malade et, après un séjour à l’Hôtel-Dieu de Lyon, il fut ramené à l’hôpital de Villefranche-sur-Saône où il mourut le 16 juillet 1898.

1870-1871 La Commune de Lyon

La ville de Lyon, très agitée dès le mois d’août 1870 a proclamé, avant Paris, la République le 4 septembre 1870 dès 9 heures du matin, cela est connu et fait même l’orgueil de la cité. En ce qui concerne la Commune, Lyon est aussi en avance, dès ce 4 Septembre « c’est bien une Commune de Lyon qui s’installe, et celle-ci, à sa manière, est un prologue original à la Commune que Paris se donnera six mois plus tard1 . » Un Comité de Salut Public aux tendances très diverses, puisqu’on y retrouvera le radical modéré Hénon tout comme on y retrouvera des socialistes révolutionnaires comme Albert Richard, est créé à l’Hôtel de Ville, le drapeau rouge est hissé au sommet du bâtiment. Le 4 Septembre également, une autre Commune autonome se met en place de l’autre côté du Rhône dans le quartier de la Guillotière, avec à sa tête non pas un Comité de Salut Public mais un Comité Révolutionnaire qui arbore lui aussi un drapeau rouge sur sa mairie, la mairie du IIIème arrondissement de Lyon. Il y a donc deux Communes, non concurrentes mais qui n’auront pas forcément les mêmes comportements. Un commissaire extraordinaire et préfet, Challemel-Lacour, est dépêché par Gambetta. Son accueil le 6 septembre par la Commune est plus que glacial2 . Dans un état proche de l’emprisonnement il se contentera au départ d’assurer une simple liaison entre Lyon et le gouvernement central. Mais, le Comité de Salut Public est remplacé le 15 Septembre par un gouvernement municipal, beaucoup moins radicalisé mais toujours très républicain. Hénon est désigné comme Maire. Lyon est à ce moment sous une autorité qui, partagée avec le préfet et le général Mazure, est difficilement caractérisable. En tout cas il est certain que, pour une partie de la population, la municipalité paraissait beaucoup trop modérée.Le 18 Septembre se crée un Comité central fédératif qui « représente la fraction ultra-jacobine de la démocratie lyonnaise »3  et dont l’objectif essentiel était le « Salut de la France ». Le Comité de sûreté générale, lui,  s’était fixé « l’objectif de déjouer les entreprises de la réaction et brigue les fonctions policières4 . » Le 17 Septembre, à l’initiative de Bakounine et de l’Internationale, à la salle de la Rotonde, près de 6 000 personnes assistaient à la création du Comité de Salut de la France5 , qui prenait aussi en compte les villes de Saint-Étienne, Grenoble, Marseille et Vienne. Le 28 Septembre, Bakounine qui prend appui sur La ligue du Midi et sur ce Comité Central du Salut de la France, envahit l’Hôtel de Ville avec des partisans, dont Albert Richard, le dirigeant de l’Internationale lyonnaise, le Général Cluseret et Bastelica de Marseille, ainsi que des ouvriers mécontents des chantiers nationaux. Bakounine accompagné de ses camarades aura le temps de décréter l’abolition de l’État et la déchéance de ma machine administrative, programme anarchiste s’il en est. Mais Jeanne Gaillard signale que le Comité central fédératif « est tout aussi compromis que le Comité du Salut de la France. Les anarchistes ne sont donc pas seuls en cause dans la manifestation du 286 . » Malgré tout, l’insurrection est noyée dans la journée, Cluseret et Bakounine, d’abord arrêtés puis relâchés quittent Lyon.L’agitation reprendra ensuite progressivement, et le 20 décembre 1870, à la sortie d’une réunion à la salle Valentino, le commandant Arnaud, de la Garde nationale est fusillé comme traître à la République par une foule révolutionnaire qui veut ensuite marcher sur l’Hôtel de Ville. Nouvelle tentative qui avortera encore plus rapidement que la précédente. Gambetta, viendra tout de même assister aux funérailles du commandant Arnaud pour calmer les esprits7 . Le 3 mars 1871, le drapeau rouge est amené par la municipalité, toujours conduite par Hénon, qui se montra tout de suite hostile à la Commune de Paris à partir du 18 mars. Le 22 mars, la ville est agitée et une foule appuyée par un bataillon de la Guillotière envahit à nouveau l’Hôtel de Ville pour réclamer une nouvelle fois la proclamation de la Commune comme au 4 septembre, en hissant à nouveau le drapeau rouge, en arrêtant le préfet et en chassant Hénon. Mais cette nouvelle Commune ne fait pas l’unanimité et le 25 elle s’évapore et le Conseil municipal reprend ses fonctions. C’est finalement le 30 avril qu’a lieu le dernier sursaut insurrectionnel, à l’occasion des élections municipales. Toujours, entre autres, sous l’impulsion de Bakouninistes, depuis la Suisse, appuyé par un tract parlant à nouveau de fédération révolutionnaire des Communes8 , la Mairie de la Guillotière est envahie par des émeutiers qui voulaient empêcher le vote. Des barricades sont élevées, la Croix-Rousse aussi se prépare à l’insurrection. Mais ce sera une bataille de nuit autour de la Mairie de la Guillotière et une centaine de morts du côté des insurgés qui enterrera le sort de la Commune lyonnaise tandis que la Croix-Rousse, malgré un début d’agitation, ne bougera pas, on assistera même à la scène d’insurgés démontant leurs propres barricades.

Les Communards mis en accusation à partir de l’insurrection du 28 septembre seront d’abord et rapidement pris en main par la justice civile, qui passera le relais après les évènements à la justice militaire. Ce seront donc, comme à Paris, des Conseils de guerre qui jugeront les insurgés lyonnais. Beaucoup d’efforts vont être faits pour faire passer ces évènements pour un vague complot plus que pour de réelles tentatives révolutionnaires, les membres de l’Internationale par exemple étant désigné comme des « agents » d’une société secrète obscure. Les peines iront de la simple amende à la « déportation à perpétuité dans une enceinte fortifiée », ce qui signifiait le bagne en Nouvelle-Calédonie. Aucune condamnation à mort donc, et en cela, les Conseils de guerre qui jugent la Commune de Lyon apparaîtront comme moins sévère que ceux de Paris. Mais tous les révolutionnaires n’ont pas été arrêtés, de nombreux Communards sont jugés par contumace car partis se réfugier. La destination privilégiée de ceux que l’on appelait « Contumax » était bien évidemment la Suisse, assez facile d’accès, mais on prend aussi le chemin de l’Angleterre, de la Belgique, de l’Espagne même… Denis-Brack, par exemple un des acteurs principaux de la Commune lyonnaise, forgera une section de l’Internationale « anti-autoritaire » à Barcelone.

Il est intéressant de constater que la Commune de Lyon s’inscrit, peut-être plus que les autres Communes dans une sorte de « tradition des insurrections » de Lyon. De nombreux Communards sont des hommes qui ont pu faire l’expérience des insurrections de 1831 et 1834, de la révolution de 1848, de l’insurrection des Voraces de 1849, des troubles de 1852, etc. Une grande majorité de Tisseurs, de Canuts composent les insurgés. Le Communard lyonnais, tout comme le Communard parisien est difficile à ranger dans une « catégorie » politique. Les internationalistes, les blanquistes, les fouriéristes, les jacobins, et même quelques radicaux sont présents et jouent un rôle pour la Commune, mais celle-ci, à Lyon aura du mal à conserver la relative union républicaine qui existait à la fin du Second Empire. Au contraire, on peut dire que ce sera la Commune qui fera imploser cette union. Les radicaux, peut-être un peu plus « rouges » à Lyon que dans d’autres villes commencent malgré tout à s’opposer aux hommes de la première Internationale et aux socialistes pendant ces temps d’agitation politique. Pourtant, les tentatives restent nombreuses et concrètes, et Lyon est, avec Marseille, la ville qui a, semble-t-il, le plus souhaité l’application d’un fédéralisme sans concession, première base politique de la Commune. L’état d’esprit général de la population lyonnaise en 1870-1871 n’est donc ni totalement du côté des Communards, ni du côté de Versailles, mais se rapprocherait plus de ce « Tiers-parti » qui, sans approuver les « débordements » des révolutionnaires et sans vouloir suivre une tendance insurrectionnelle, n’est pas non plus opposé au programme décentralisateur et social de la Commune.

1ROUGERIE Jacques, La Commune de 1871, Paris, PUF, 2009 (4ème édition), 127p., coll. Que sais-je ? n°581, p.28.
2MOISSONNIER Maurice, La première Internationale et la Commune à Lyon (1865-1871), Editions sociales, Paris, 1972, 402p., p.214.
3 MOISSONNIER Maurice, « 1869-1871 – Lyon des insurrections, entre tradition et novation » in LARGUIER Gilbert, QUARETTI Jérôme, dir., La Commune de 1871 : utopie ou modernité ?, Actes du colloque tenu à Perpignan les 28, 29 et 30 mars 1996, Presses Universitaires de Perpignan, 2000, 447p., collection Études, p.115.
4Ibid.
5Idem, p.116.
6GAILLARD Jeanne, Communes de province, commune de Paris 1870-1871, Paris, Flammarion, 1971, 183p., p.43.
7 NOËL Bernard, Dictionnaire de la Commune, p.409.
8ROUGERIE Jacques, La Commune de 1871,  p.111.

1873

Le 18 juin 1873, naissance de Marie CAPDEROQUE dite Marion BACHMANN à Lyon. Militante syndicaliste, féministe et anarchiste.
A seize ans, elle adhère au syndicat des modistes. En 1891, elle découvre l’anarchisme grâce à Sébastien Faure, puis luttant pour l’émancipation des femmes elle crée en 1893 le « Comité d’études des femmes socialistes révolutionnaires », mais atteinte de la tuberculose elle est contrainte d’abandonner ses activités.

1882

nuit du 22 au 23 octobre

Une bombe explose au restaurant du Théâtre Bellecour, surnommé « L’assommoir », et fréquenté par la bourgeoisie. Un employé meurt dans l’attentat.
L’anarchiste Antoine CYVOCT est soupçonné à tort (à cause d’un article paru dans le journal anarchiste lyonnais « le Droit social »). Il sera condamné et envoyé au bagne, puis finalement amnistié en 1898.

C. Dervieux avait sans doute collaboré au journal Le Droit Social (Lyon, 24 numéros du 12 février au 23 juillet 1882) organe de la Fédération socialiste révolutionnaire regroupant la plupart des anarchistes de la région, fut gérant à partir du n°4 (18 septembre) de l’hebdomadaire anarchiste La Lutte sociale fondé en août 1886. Le secrétaire de rédaction du journal, Bordat avait été arrêté avant même la parution du premier numéro (28 août) et condamné le 30 août à 4 mois de prison et 5 ans d’interdiction de séjour pour « outrages à un commissaire de police dans l’exercice de ses fonctions ». Pour accroître les ressources du journal, les rédacteurs organisèrent une tombola dont les lots principaux étaient un mousqueton, un revolver, un pistolet et un couteau de chasse ; le tirage eut lieu le 26 septembre 1886 ;Dervieux, gérant, fut condamné par le tribunal correctionnel de Lyon, le 8 octobre, à 16 f d’amende pour avoir, sans autorisation, organisé une loterie ; sur appel du ministère public la peine fut élevée à 100 f d’amende et quinze jours de prison. Le journal, qui connaissait déjà des difficultés financières, ne put se relever de ce nouveau coup et cessa de paraître après le sixième numéro daté 2 octobre 1886.

Dervieux fut membre du « Groupe de la Guillotière et des Brotteaux » le plus important des groupes anarchistes lyonnais créés au début de l’année 1890 (Voir Blonde).

Fin avril 1890, Dervieux avait dû fuir en Suisse pour échapper aux arrestations opérées en vue de prévenir de possibles manifestations dans la ville de Lyon, à l’occasion du 1er mai.

Dans le but de remédier à l’éparpillement des groupes anarchistes lyonnais et de rattacher leur « Parti » à un ensemble régional plus vaste, Dervieux et le compagnon Puillet se rendirent à Vienne (Isère), le 5 juillet 1890, sur l’invitation des militants de cette ville ; il s’agissait d’étudier une éventuelle fusion des groupes de Lyon et de Vienne. Les travaux aboutirent à l’élaboration d’un texte que signèrent les vingt-trois délégués présents à Vienne, texte qui indiquait qu’il était fondé une fédération centrale des forces anarchistes locales dont le siège serait à Vienne ; mais cette fédération centrale était mort-née.

Dervieux, Puillet et Hugonnard représentèrent les anarchistes lyonnais à un congrès des groupes anarchistes de la région organisé à Genève par les anarchistes de la ville au mois d’août 1890 en vue de regrouper les anarchistes sur le plan régional. Le congrès décida la création d’une Fédération internationale des revendications prolétariennes. Il en fut de cette fédération comme de la fédération centrale, elle n’eut aucun succès auprès des militants.

30 juillet

Le journal anarchiste lyonnais le Droit social devient  l’Etendart révolutionnaire.

1883

Le 8 janvier 1883,

à Lyon, début du procès dit « des 66 ». Il est reproché aux accusés: « D’avoir (…) été affiliés ou fait acte d’affiliation à une société internationale, ayant pour but de provoquer à la suspension du travail, à l’abolition du droit de propriété, de la famille, de la patrie, de la religion, et d’avoir ainsi commis un attentat contre la paix publique ».
Le 19 janvier, les prévenus liront une déclaration pour expliquer « Ce qu’est l’anarchie et ce que sont les anarchistes ».
Mais, de très dures condamnations seront prononcées contre les inculpés : 4 ans de prison pour les « meneurs », tel Pierre Kropotkine, Emile Gautier, Joseph Bernard, Pierre Martin, Toussaint Bordat… et de six mois à trois ans pour 39 autres compagnons.

devant le Tribunal correctionnel de Lyon.

19 janvier 1883 (Procès des 66).

Ce qu’est l’anarchie, ce que sont les anarchistes, nous allons le dire :
Les anarchistes, messieurs, sont des citoyens qui, dans un siècle où l’on prêche partout la liberté des opinions, ont cru de leur devoir de se recommander de la liberté illimitée.
Oui, messieurs, nous sommes, de par le monde, quelques milliers, quelques millions peut-être – car nous n’avons d’autre mérite que de dire tout haut ce que la foule pense tout bas- nous sommes quelques millers de travailleurs qui revendiquons la liberté absolue, rien que la liberté, toute la liberté !
Nous voulons la liberté, c’est-à-dire que nous réclamons pour tout être humain le droit et le moyen de faire tout ce qui lui plaît, et ne faire que ce qui lui plaît ; de satisfaire intégralement tous ses besoins, sans autre limite que les impossibilités naturelles et les besoins de ses voisins également respectables.
Nous voulons la liberté, et nous croyons son existence incompatible avec l’existence d’un pouvoir quelconque, quelles que soient son origine et sa forme, qu’il soit élu ou imposé, monarchique ou républicain, qu’il s’inspire du droit divin ou du droit populaire, de la Sainte-Ampoule ou du suffrage universel.
C’est que l’histoire est là pour nous apprendre que tous les gouvernements se ressemblent et se valent. Les meilleurs sont les pires. Plus de cynisme chez les uns, plus d’hypocrisie chez les autres !
Au fond, toujours les mêmes procédés, toujours la même intolérance. Il n’est pas jusqu’aux libéraux en apparence qui n’aient en réserve, sous la poussière des arsenaux législatifs, quelque bonne petite loi sur l’Internationale, à l’usage des oppositions gênantes.
Le mal, en d’autres termes, aux yeux des anarchistes, ne réside pas dans telle forme de gouvernement plutôt que dans telle autre. Il est dans l’idée gouvernementale elle-même; il est dans le principe d’autorité.
La substitution, en un mot, dans les rapports humains, du libre contrat, perpétuellement révisable et résoluble, à la tutelle administrative et légale, à la discipline imposée; tel est notre idéal.
Les anarchistes se proposent donc d’apprendre au peuple à se passer du gouvernement comme il commence à apprendre à se passer de Dieu.
Il apprendra également à se passer de propriétaires. Le pire des tyrans, en effet, ce n’est pas celui qui nous embastille, c’est celui qui nous affame; ce n’est pas celui qui nous prend au collet, c’est celui qui nous prend au ventre.
Pas de liberté sans égalité ! Pas de liberté dans une société où le capital est monopolisé entre les mains d’une minorité qui va se réduisant tous les jours et où rien n’est également réparti, pas même l’éducation publique, payée cependant des deniers de tous.
Nous croyons nous, que le capital, patrimoine commun de l’humanité, puisqu’il est le fruit de la collaboration des générations passées et des générations contemporaines, doit être à la disposition de tous, de telle sorte que nul ne puisse en être exclu; que personne, en revanche, ne puisse accaparer une part au détriment du reste.
Nous voulons, en un mot, l’égalité; l’égalité de fait, comme corollaire ou plutôt comme condition primordiale de la liberté. De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins ; voilà ce que nous voulons sincèrement, énergiquement; voilà ce qui sera, car il n’est point de prescription qui puisse prévaloir contre les revendications à la fois légitimes et nécessaires. Voilà pourquoi l’on veut nous vouer à toutes les flétrissures.
Scélérats que nous sommes ! Nous réclamons le pain pour tous, le travail pour tous; pour tous aussi l’indépendance et la justice.

Le 23 février 1883,

à Ganshoren (Belgique), au cour d’une « promenade » dans la campagne, les anarchistes français deLyon Antoine CYVOCT et Paul METAYER sont victimes de l’explosion accidentelle de la bombe (vraisemblablement destinée à une expérience) qu’ils transportaient.
Paul Métayer qui devait s’embarquer à Anvers pour l’Amérique meurt le lendemain, des suites de ses blessures, sans rien divulguer à la police. Lors de son enterrement civil, l’anarchiste bruxellois Egide Govaerts fera son éloge funèbre et le journal anarchiste anversois « De Opstand » louera son silence devant la police. « C’est ainsi que meurent les anarchistes ». Quant à Antoine Cyvoct (survivant de l’explosion), il sera extradé vers la France, pour être jugé dans le cadre de l’attentat Bellecour à lyon.

Le 12 août 1883,

après l’adoption du « Drapeau noir » par les anarchistes due pour une grande part aux interventions de Louise Michel, le premier numéro d’un journal portant ce titre sort ce jour à Lyon (ville qui avait vu les Canuts brandir cet emblème lors de leurs révoltes de 1831 et de 1834). Le journal sera victime de la répression et cessera sa parution à son dix-septième numéro. »(…) c’est sur les hauteurs de la ville de la Croix-Rousse et à Vaise que les travailleurs, poussés par la faim, arborèrent, pour la première fois ce signe de deuil et de vengeance,et en firent ainsi l’emblème des revendications sociales. (…) » Extrait du n°1 du journal.
Son apparition consignée remonte en fait à une révolte d’ouvriers terrassiers à Reims début 1831, qui le brandirent en signe de désespoir et de misère.
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Durant l’année 1883 sur la région lyonnaise se succèdent une multitude de journaux à parutions éphémères dues aux nombreuses poursuites dont ils sont victimes : la Lutte, le Drapeau noir, l’Émeute, le Défi, l’Hydre anarchiste, l’Alarme, le Droit anarchique …

1884

Élaboration du premier projet de Bourse du travail par la Fédération lyonnaise du travail

1887

Le 27 avril 1887, naissance de Jean-Baptiste SALIVES (dit Claude LE MAGUET), à Albas (Lot).
Militant et propagandiste anarchiste, pacifiste et poète.
Placé à 6 ans à l’orphelinat de Cempuis dirigé par l’anarchiste Paul Robin, il en sortira à 16 ans avec le métier de typographe. Profondément libertaire, il travaille dès lors au journal « L’Anarchie », puis dans la communauté d’Aiglemont (dans les Ardennes) fondée par Fortuné Henry. Appelé sous les drapeaux, il déserte. Contraint à la clandestinité il se réfugie alors en Belgique, puis revient en France à Lens où il travaille un an (1908-1909) comme typographe chez Benoît Broutchoux. Arrêté à Lille lors d’une manifestation il est condamné à un mois de prison, mais sa véritable identité n’est pas démasquée. Mais après les persécutions liées à l’affaire de la Bande à Bonnot (1912) il passe en Suisse et se fixe à Genève avec sa compagne Marcelle. En 1914, lorsque la guerre éclate, il reste fidèle à son idéal antimilitariste et pacifiste. En 1916, il participe avec Albert Ledrappier et l’artiste Frans Masereel, à la création de la revue pacifiste « Les Tablettes », qui s’illustrera jusqu’en janvier 1919 par sa qualité. Il collabore également à divers journaux suisses. Il rentre en France en 1939, ne voulant pas être réfractaire dans la lutte contre le fascisme. Il sera emprisonné un temps à Lyon puis à Quimper. De retour en Suisse, il se consacre à la poésie, et ce jusqu’à sa mort, survenue le 14 juillet 1979, à Genève. Il est l’auteur d’une « Anthologie des écrivains réfractaires de langue française » (1927), « Les Anarchistes et le cas de conscience » (1921), etc.

1888

BECIRARD, Marie
Née à Lyon en 1888- morte en février 1964
Lyon
lundi 20 novembre 2006
par R.D.Elevée dans les milieux anarchistes lyonnais, Marie Becirard est décédée à Domont (Seine et Oise) en février 1964

1891

8 février inauguration de la bourse du travail de Lyon

1987

mort fin 1987

Décès de Raoul Avias
Il était encore adolescent au moment de la guerre d’Espagne qui le marquera profondément et déterminera son militantisme libertaire. Après la guerre il militait à la Fédération anarchiste et à la Confédération Nationale du Travail dans la région d’Oullins et de Lyon. Son militantisme syndical et sa participation à de nombreuses grèves dans une dizaine d’entreprises lui vaudront d’être licencié à cinq reprises au moins. En 1962 il était le secrétaire du groupe Elisée Reclus de Lyon. Raoul Avias était en outre un excellent peintre et un poète. Il est mort à Tulette (Drôme) fin 1987.

1894

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Lyon était l’un des foyers anarchistes dans les années 1882-1894.

Le 22 février

mort de Marius MONFRAY,(né le 4 juillet 1866). Anarchiste militant et syndicaliste lyonnais.
En novembre 1886, il est condamné à huit jours de prison pour avoir organisé une loterie sans autorisation (en soutien à Bordat, – Procès des 66). En entendant la sentence, au tribunal, il s’écrit :« Vive l’Anarchie! ». Ce qui lui vaudra une condamnation à deux ans de prison pour « Outrage à magistrats ».

Le 27 juin

3ème congrés des Bourses du travail à Lyon du 25 au 27 juin 1894.

Le 24 juin

Ll’anarchiste italien Geronimo Sante CASERIO poignarde le président français Sadi Carnot pour venger l’exécution d’Auguste VAILLANT. Sadi Carnot succombe à ses blessures et la foule hystérique pille les magasins italiens. Caserio, arrêté, sera guillotiné le 15 août 1894.

voir aussi l’article de http://rebellyon.info/article609.html

Le 2 août

à Lyon, l’anarchiste italien Geronimo Sante Caserio est condamné à mort par la cour d’assises du Rhône pour avoir poignardé et tué, le 24 juin, le président de la république française Sadi Carnot.
Dans un palais de justice cerné par la troupe, et dans un climat d’hystérie anti-anarchiste et anti-italien, aucun avocat n’acceptera de défendre Caserio, qui sera exécuté le 15 août.

Le 15 août

à Lyon, à 4h 55 du matin, devant la prison Saint-Paul, exécution par la guillotine de l’anarchiste italien Geronimo Sante CASERIO. Le 24 juin 1894, pour venger Auguste Vaillant et Emile Henry, il avait poignardé et tué le président de la République française Sadi Carnot, en visite à Lyon. Devant la guillotine, il s’écria « Corragio camaradi, evviva l’anarchia! » (Courage camarades et vive l’anarchie!).
Le souvenir de Caserio ne s’effacera pas de sitôt. Le 14 février 1896, à Buenos-Aires, paraîtra en castillan une revue intitulée « Caserio ».

1896

21 novembre

Naissance à Lyon de CHAUVET, Etienne, Charles, Simon
Monteur en charpentes métalliques – Marseille (Bouches-du-Rhône)
samedi 13 janvier 2007
par R.D.

Le militant anarchiste lyonnais Etienne Chauvet, en rupture de Service du Travail Obligatoire (STO), était en 1943 à Marseille où il travaillait à l’atelier de réparations de cycles de Jean René Saulière André Arru et participait aux activités clandestines du groupe (impression de tracts et affiches, de faux papiers, etc.) organisé par ce dernier. Le 1er août 1943, alors que la police venait d’arriver à l’atelier où elle avait arrêté Arru et sa compagne Julia Viñas et saisit tout le matétiel d’impression et diverses tracts et affiches, Etienne Chauvet arrivait au local où il était à son tour immédiatement arrêté. Il était ensuite interrogé avec André au commissariat de l’Evêché pendant cinq jours où il ne fera que répéter « Je suis anarchiste et j’approuve tout ce qu’a fait André ».

Les deux compagnons, dont la feuille d’écrou portait la mention « à isoler, dangereux », étaient ensuite emprisonnés à la prison Chave, d’abord avec les droits communs puis, au bout de quinze jours, dans le quartier politique. Lors de l’évasion des 21-22 mars 1944 organisée par la résistance, Etienne Chauvet et André Arru seront laissés dans leur cellules sur ordre de responsables communistes en raison de leur « non patriotisme » : lors d’une manifestation le 7 novembre à la prison Chave pour commémorer la révolution d’octobre, Etienne et André, solidaires face à la répression, avaient refusé d’arborer des cocardes tricolores qu’ils avaient remplacé par une cocarde rouge et noire et avaient refusé de chanter la Marseillaise.

Transférés à la prison d’Aix-en-Provence, ils étaient cette fois libérés dans la nuit du 24 au 25 avril 1944 lors d’une évasion organisée par les FTP avec la complicité d’un des gardiens. Puis Etienne Chauvet partira pour aller chez un ami dans le Vaucluse, tandis qu’André allait à Toulouse chez René et Marcelle Clavé.

1898

Le 16 juillet 1898, mort de Pierre DESGRANGES, dit GRANGE (né le 10 juin 1865 à Villefranche-sur-Saône). Militant anarchiste lyonnais.
Comme son père et son frère Victor, il travaille dans une fabrique de balais et milite avec les anarchistes. A partir de 1890, il se fixe à Lyon et participe aux activités de plusieurs groupes anarchistes de la ville « Jeunesse antipatriote », « Les Ennemis de toute candidature », »Ni dieu ni maître » (ce qui lui vaut plusieurs perquisitions de la police).
En 1896, il prend part, aux conférences de Sébastien Faure et tente de créer une revue »Jeunesse nouvelle » (qui n’aura que 2 ou 3 numéros).
Mais, gravement malade, il meurt à l’age de 33 ans.

1899

Juin

Sous l’influence des militants syndicalistes révolutionnaires, la Bourse du travail de Lyon réadhère à la Fédération des Bourses du travail.

Octobre

La bourse du travail de Lyon revendique officiellement qu’elle est favorable à la grève générale.

1910

Le 13 juin 1910, naissance de Fernand RUDE (dit Pierre FROMENT), à Lyon. Historien du mouvement social.
Sympathisant libertaire, il milite pourtant très tôt au parti communiste (1929). Son refus du sectarisme et sa passion de l’histoire sociale le pousse à devenir historien. Il séjourne à plusieurs reprises en URSS, pour des travaux d’histoire et de traduction. A son retour en France, en 1936, il s’éloigne des staliniens, puis milite au parti socialiste et soutient les républicains espagnols. Résistant, il sera nommé sous-préfet à la libération. Auteur de nombreux ouvrages d’histoire sociale :
« Le mouvement ouvrier à Lyon de 1827 à 1832″, « La révolution de 1848 dans l’Isère » (1949), « Allons en Icarie » (1952) « C’est nous les Canuts » (1954), « Les révoltes des Canuts 1831-1834 » (1982), etc.
Pour le centenaire de la Commune de Paris, il a rassemblé et publié deux textes de Bakounine « De la guerre à la Commune » et « Le socialisme libertaire ».
Fernand Rude est mort le 12 mars 1990.

1911

Août à décembre:

campagne et agitation impulsées par la bourse du travail contre la guerre et le militarisme.

1913

Mars à juin:

Campagne et agitation impulsées par la bourse contre la loi de 3 ans et la course à l’armement.

1914

Janvier:

Suppression de la section des Bourses au sein de la CGT et fin de l’autonomie des bourses du travail

1916

1916

Naissance  à Lyon en de BORETTI, Tony – mort en 1983

Tony Boretti militait dans les années 1930 et après la libération à Lyon où il avait été à plusieurs reprises emprisonné. Il est mort à Lyon en 1983 d’une crise cardiaque .

1926

13-14 novembre

Le congrès de la Fédération autonome du Bâtiment à Lyon donne naissance à la troisième C.G.T. : la C.G.T.-S.R.( anarcho-syndicaliste.)

1928

2-4 novembre

A  Lyon. Deuxième congrès de la C.G.T.-S.R.

1929

11 mai 1929,

mort de Albin CANTONE, dit ALBIN (né en Italie en 1888). Propagandiste anarchiste lyonnais.
Ouvrier métallurgiste, réformé en 1914 en raison d’un handicap à la main droite. Il publie de 1917 à 1918 la revue « Les Glaneurs » puis participe ensuite à la revue « Les vagabonds » (1921-1922), à « La brochure mensuelle », ou encore au « Semeur », etc. Il meurt à l’âge de 41 ans des suites d’un cancer.

1930

Le 5 avril

mort d’Antoine CYVOCT, (né le 28 février 1861). Militant anarchiste lyonnais.
Soupçonné à tort d’être l’auteur de l’attentat contre le restaurant du théâtre Bellecour à Lyon le 22 octobre 1882. Il est également impliqué dans le « procès des 66 » et condamné à 5 ans de prison par contumace, (il s’était réfugié en Suisse, puis en Belgique). Le 23 février 1883, il est mêlé à l’explosion accidentelle d’une bombe à Ganshoren (Belgique), et est extradé vers la France en 1883. Le 22 février 1884, il passe en procès devant la Cour d’assises du Rhône pour l’attentat du 22 octobre 1882, et bien que sa responsabilité soit pas prouvée, on le condamne à mort. Sa peine sera ensuite commuée en travaux forcés, et Cyvoct partit au bagne.
Malgré la campagne menée en 1895 par les anarchistes pour sa libération, il n’est amnistié qu’en mars 1898. Cette même année, il se présente aux élections législatives pour, dit-il, « Attirer l’attention sur le cas des anarchistes restés au bagne ». Il travaille ensuite comme représentant en librairie, et donnera des conférences dans les milieux anarchistes sur les conditions de vie au bagne.

1931

Employé des chemins de fer à Oullins (Rhône), Claude Badin était en 1931 militant de la CGTSR et du groupe de la Fédération Anarchiste de langue Française (FAF) de Lyon qui comprenait alors une soixantaine de membres. Claude Badin avait participé à de nombreuses vasectomies avec sa compagne Thérèse et avait hébergé Bartosek à sa libération de prison (affaire des stérilisés de Bordeaux). Badin avait été un temps l’administrateur de l’organe de la FAF, Terre Libre publié à Nîmes (Gard), puis à Paris par André Prudhommeaux entre 1934 et 1939. Pendant la guerre il était en contact avec André Arru et participait aux activités de résistance de celui ci. A la libération il militait à la Fédération Anarchiste dans la région lyonnaise puis émigrait en Argentine ; selon Maurice Joyeux, il craignait alors qu’une guerre n’éclate entre les USA et l’URSS. Il aurait d’abord ouvert un commerce, puis serait devenu fermier au Paraguay. Claude Badin a été assassiné à Asuncion, Paraguay.

1963

11 mars

mort d’André Georges ROULOT, dit LORULOT à Herblay (Seine-et-Oise). Propagandiste anarchiste individualiste, puis libre penseur.
Il naît le 23 octobre 1885 à Paris, dans une modeste famille ouvrière et commence à travailler à 14 ans. En 1905, il fait la connaissance de Libertad avec qui il va participer à la création du journal « L’anarchie » organe des anarchistes individualistes. Le 1er juin 1905, il est arrêté et fait huit jours de prison pour avoir sifflé au passage du roi d’Espagne. Il est alors renvoyé de l’imprimerie où il travaillait, mais trouve un travail de comptable. Réformé du service militaire pour mauvaise santé, il fonde en 1906, avec Ernest Girault et quelques autres, ainsi que sa compagne de l’époque Emilie Lamotte une colonie anarchiste communiste à St-Germain-en-Laye. Cette colonie durera 2 ans, pendant lesquels il continuera à donner des conférences à travers le pays. Il est plusieurs fois condamné pour ses propos ou écrits. En 1907, sa brochure « L’Idole patrie et ses conséquences » publiée par Benoît Broutchoux lui vaut 15 mois de prison pour « Provocation de militaires à la désobéissance ». Mais il est libéré conditionnellement quelques mois plus tard pour cause de maladie. A la mort de Libertad, en 1908, il reprend la direction de « l’anarchie », tout en poursuivant ses conférences. En 1911, il laisse la direction de « l’anarchie » à Rirette Maîtrejean, puis crée, le 1er décembre 1911, la revue « L’Idée Libre ». Ayant rompu avec le milieu illégaliste, il ne sera pas inculpé lors du procès des survivants de la Bande à Bonnot en 1913. En janvier 1915, il est arrêté pour une affaire de fausse monnaie et injures et diffamations envers l’Armée, mais obtint finalement un non-lieu fin juillet 1915, assorti d’une interdiction de séjour de 4 ans à Paris. Il s’installe alors à Lyon puis à Saint-Etienne et reprend la publication de « L’Idée libre » en 1917.
Dans les années vingt, favorable à la révolution bolchevique, il s’écarte du mouvement anarchiste. Il participe avec Manuel Devaldes au « Réveil de l’Esclave »(1920-25) mais base dès lors son combat sur l’anticléricalisme avec la publication de divers journaux « LAntireligieux » (1921-25) puis « l’Action antireligieuse » (1925) ; La Libre pensée (1928); « La Calotte »(1930). Il s’engage en 1921 dans la Fédération des Libres penseurs, dont il sera un infatigable orateur. Dans les années trente, il participe à « l’Encyclopédie Anarchiste » de Sébastien Faure. Sous l’occupation, il arrive encore à publier brochures et journaux comme « La Vague ». En 1958, il sera nommé président de la Fédération nationale des libres penseurs, puis vice-président de l’Union mondiale.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages: « Le mensonge électoral » (1908); « Chez les loups » (1922); « Méditations et souvenirs d’un prisonnier »(1922); « Histoire de ma vie et de mes idées »(1939); « Histoire populaire du socialisme mondial » (1945); etc.
« Pour que l’Homme s’affirme et se libère, il faut que l’antique chimère de Dieu disparaisse… » « Au nom de Dieu inexistant, on a commis trop de crimes, on a fait couler trop de sang ».
in « Pourquoi je suis athée! »(1933, réédité en 2004)

1971 – 1972

Le cadeau de Noël de l’usine Penarroya aux ouvriers : la mort

Le 19 décembre 1971, à l’atelier de plomb, un ouvrier tunisien, Mohamed Salem, est écrasé par un couvercle de four de 1500kg. Il était soutenu par une chaîne usée, à 1,50m du sol. Salem est dessous. Les quatre membres de l’équipe aident à pousser et à soulever la plaque car le pont roulant est trop faible. La chaîne casse au niveau du tenon rouillé. Salem n’a pas le temps de se retirer : il est écrasé.

Le patron se comporte comme un coupable

Aussitôt après l’accident, il fait mettre une chaîne neuve et plus grosse. L’autre, il la fait cacher par deux ouvriers. Puis il fait asseoir tous les ouvriers de l’atelier et leur dit : « Si on vous demande ce qui est arrivé, vous dites que vous étiez au travail et que vous n’avez rien vu ».

Quand les inspecteurs se présentent, le chef d’équipe déclare que les ouvriers soulevaient la plaque et qu’elle est retombée. La police voit la chaîne intacte. L’un des ouvriers interrogé se décide : il va chercher la chaîne brisée et devant le patron, les chefs et les ouvriers, il raconte comment s’est passé l’accident. Pendant six heures, les ouvriers débrayent.

Une usine « comme on n’en fait plus »

Dans un tract, les travailleurs expliquent :
    « Nous sommes une centaine de travailleurs immigrés, Algériens, Tunisiens, Marocains. C’est nous qui faisons la plus grosse partie de la production de l’usine.

Nous travaillons à la récupération et à la fusion du plomb, de l’amuminium, du bronze. Notre travail est très dur et très pénible, mauvais pour la santé. Nous travaillons en feu continu, au milieu des fumées et des poussières qui empoisonnent non seulement l’usine mais tout le quartier. Le matériel est très vieux et nous devons tout faire à la main. En plus, les règles d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées. L’été, dans les bureaux, il y a des ventilateurs, mais près des fours et des broyeurs il n’y en a pas.

La récupération du plomb est un travail dangereux, il entraîne de nombreuses maladies, notamment le saturnisme (plomb dans le sang), de nombreux accidents et brûlures.

Nous travaillons 45 heures par semaine pour moins de 1000 francs.

Nous sommes entassés dans des baraques de chantier installées dans le périmètre de l’usine. »

Dossier médical de l’ouvrier Mohamed Salem, victime de l’accident mortel du 19 décembre 1971 :
date                            diagnostic médical                                                            incapacité de travail
10/12/57                douleur de l’abdomen due au portage de poids excessifs                27 jours
16/11/59                corps étranger dans l’oeil gauche                                                11 jours
26/05/63                brûlure d’un membre supérieur                                                44 jours
22/04/67                corps étranger dans l’oeil droit                                                11 jours
07/06/68                plaie de la main droite (coincée)                                                10 jours
08/12/69                brûlure de la cheville gauche                29 jours
19/12/71                meurt écrasé sous un convercle de four de 1500kg                …

Nous réclamons le droit de vivre

  • Après l’accident de Salem, les ouvriers montent au bureau du patron et exposent ce qu’ils veulent : notamment 1 franc d’augmentation horaire, contrôle des analyses médicales par les ouvriers, sécurité dans les ateliers. Le patron promet, rien ne vient.
  • 9 février 1972, 14h : tous les ouvriers immigrés débrayent (un peu plus de cent au total). Les chefs et l’atelier de mécanique, une trentaine de Français et d’Italiens restent au travail.
  • 10 février : la matin, la grève continue, les jaunes travaillent. L’après-midi, un piquet de grève se forme aux deux entrées de l’usine. Les jaunes restent dehors. Un jaune de la mécanique se présente au piquet : « C’est pas des étrangers qui vont faire régner la loi en France. Ici, la liberté du travail existe. – Quand il y a grève, il n’y a pas de liberté du travail. »

Un contremaître, Maurice, crache sur un ouvrier

Tous les jaunes devront rester dehors, sur le trottoir d’en face. Las de faire le pied de grue, ils s’en iront au bout de deux heures.

  • 13 février : les jaunes sont décidés à entrer pour travailler. Ils ont fait passer un communiqué dans le Progrès de Lyon, disant en substance : « Nous sommes d’accord avec les revendications ; mais nous voulons la liberté du travail ; des Maghrebins ne doivent pas y faire entrave. »

Les ouvriers les attendent aux deux entrées dès six heures du matin. À 8 heures, deux jaunes apparaissent sur la pointe des pieds au coin de la rue, examinent le terrain et font signe à leurs « collègues ». Ils arrivent groupés à une trentaine sur le trottoir d’en face. Le piquet resserre les rangs. Il n’y en a plus que dix qui osent traverser la rue et un seul pour réclamer : « On veut entrer. » Un ouvrier marocain, qui a déjà été gréviste au Maroc, se fâche : « Vous n’entrerez pas. » Ses frères le retiennent. En cinq minutes les jeunes repartent comme ils étaient venus.
De dépit le patron remet une convocation au tribunal pour « entrave à la liberté du travail » à trois ouvriers.
La lutte des immigrés de Penarroya concerne tous les immigrés, tous les ouvriers, toute la population

Une délégation d’ouvriers des comités de lutte d’usines de Lyon rend visite aux grévistes qui sont en réunion avec le syndicat CFDT à la maison des jeunes de Gerland (à côté de l’usine). La délégation demande à entrer dans la salle de réunion : « N’entrez pas ! Ici, c’est une réunion de Penarroya. »
« – Nous sommes des immigrés, nous sommes ouvriers comme vous, nous voulons entrer parce que nous voulons aider nos frères. » On pousse la porte. Les syndicalistes de la Bourse du travail essayent sans succès d’empêcher les ouvriers de discuter.
Un permanent syndical : « On a informé les autres usines.

  • C’est faux !
  • Berliet a été informé.
  • J’y travaille, je n’ai rien su.
  • On a informé les syndicats.
  • Peut-être, mais pas les ouvriers. »

Les jeunes du quartier de Gerland, ouvriers et lycéens, viennent à une vingtaine distribuer un tract à l’usine et discuter. Encore une fois, la CFDT veut faire barrage. Un ouvrier de l’usine lance : « Il faudrait aller aux autres usines. » Conclusion des jeunes : il faut faire des collectes dans le quartier, informer les autres usines.

Voici le tract fait et diffusé par vingt jeunes ouvriers et lycéens du quartier de Gerland :

  « Ouvriers de Penarroya,

Par cette lettre, les jeunes de Gerland avec quelques camarades immigrés vous apportent leur soutien moral pour la grève que vous avez engagée depuis une semaine et que l’on continuera avec vous. Camarades, ne vous découragez pas.

Continuez la lutte pour améliorer votre condition de vie, c’est-à-dire : TRAVAIL, DROITS, LOGEMENTS.

Si nous étions racistes, c’était sous l’influence des patrons, à présent nous les combattrons et nous les vaincrons.

Tous les ouvriers du monde doivent s’unir pour combattre ensemble la tête haute contre tous ceux qui vous exploitent afin d’avoir tous les mêmes droits et les mêmes conditions de travail.

Ensemble, nous vaincrons.

Les jeunes de Gerland

13 février 1972. »

1973

Cliquez pour agrandir l'imageEn décembre , sortie à Lyon du premier numéro du magazine « I.R.L » Information Rassemblées à Lyon (qui deviendra ensuite « Informations et Réflexions Libertaires« ), journal d’expressions libertaires, paraissant tous les deux mois. Indépendant des organisations anarchistes existantes, ce magazine de qualité saura s’entourer de nombreux collaborateurs.

1975-1976

La « fête des fous », manifestation contestataire, bruyante, festive et humoristique, reprise d’une fête traditionnelle à Lyon au Moyen Âge où, pendant une journée, les apprentis jouaient le rôle des patrons et inversement, tout en étant l’occasion d’amusements collectifs. Cette fête des fous fut rééditée deux années consécutives en 1975 et 1976 (le 5 mai) par Bugey-Cobaye, avec les journaux Guignol et La Gueule Ouverte. C’est ainsi, entre autres, qu’on a vu un musicien jouer sur un piano à queue qui descendait toute la Grand’Côte… La première Manifestive (ou street-party) organisée à Lyon le 4 mai 2002 (par un collectif, des militants de Chiche et AARRG !!) s’en inspirait en se nommant Fête des folles et des fous intergalactike.

1997

Dans la nuit du 15 au 16 février

La librairie anarchiste « La plume noire » est victime d’un incendie criminel, attribué à l’extrême-droite française. Tous les livres ainsi que le mobilier ont brûlé ; les dégâts sont très importants. Mais grâce à la mobilisation et la solidarité, la libraire pourra rouvrir quelques mois plus tard.

 

Le 30 octobre, 1er et 2 novembre 1997,

à Lyon , VIème Congrès de l’I.F.A
(l’Internationale des fédérations anarchistes)
L’IFA regroupe la FA française, la FA italienne (FAI – Federazione anarchisti italiano), la FA ibérique (Espagne et Portugal, FAI – Federación anarquista ibérica), la Fédération libertaire argentine (FLA – Federación libertaria argentina), la FA anglaise (AF – Anarchist Federation).

1981

Les Minguettes, une cité de la banlieue lyonnaise set soulève.  C’est la première fois qu’on parle d’émeutes dans les quartiers populaires, depuis que les cités existent, des mouvements contre les violences policières et pour l’égalité sociale et politique s’y  développent malgré les difficultés auxquelles ces mouvements se sont toujours confrontés (répression, racisme, paternalisme politique du mouvement social…). quelques années plus tard, ce n’est pas un quartier ou une ville qui se  révoltent : ce sont toutes les banlieues de France. Jamais un soulèvement dans les cités ne s’était si largement étendu que ce soit en terme de temps mais surtout en terme géographique, en cela ce mouvement révèle plus qu’une crise sociale, mais bien une crise politique profonde…
Parce que ceux qui nous gouvernent savent que notre arme c’est notre nombre, ils essayent de nous diviser par tous les moyens : salaires, pays d’origine, couleur, quartiers..